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28 mars 2013 4 28 /03 /mars /2013 21:23

 

 

 

Je me propose de définir les deux termes, puis j'aborderai les différents types de croyances, le besoin de croire, des questions... la croyance s'oppose t-elle nécessairement au savoir ?

L'homme peut-il vivre sans croyances?

Puis quelle est la valeur des opinions, quel crédit leur accorder ? Sont-elles toutes équivalentes ?

 

La croyance est un état mental, une capacité humaine. Ce n'est pas seulement adhérer à une idée, mais se fier à elle pour agir.

 

L'opinion, est un jugement, une manière de penser sur un sujet. L'opinion se forge sur un raisonnement, sur une suite logique d'assertion.

L'opinion est introduite par "je pense", la croyance par "je crois". Les limites entre les deux sont loin d'être étanches.

 

Les croyances...

Les formes de croire relèvent de 2 types de pensée:

Le croire à et le croire que ; relève de la conviction (croire à qqn, à qqch,)

Le croire en; relève de la foi (croyance religieuse)

 

Croire à, croire que, Toute croyance est croyance en quelque chose. L'objet de la croyance est donné dans un ressenti personnel. Il y a dans la croyance un assentiment, une adhésion à l'égard d'une représentation et un sens de persuasion intime. Les motifs de cette adhésion peuvent être plus ou moins rationnels ou raisonnables, mais généralement soumis à un examen préalable.

Les croyances peuvent venir d'une multitude d’événements qui se présentent dans notre vie et auxquels on décide d'adhérer. D'abord on croit aux choses élémentaires, puis en des choses que l'on ne peut pas voir, qui ne sont pas nécessairement physiques (ex. croire en l'amour).

Les croyances s’appuient sur l’expérience personnelle puis sur tout ce qui relève du ouï dire. Entrent en jeu, le poids de notre éducation, des traditions, des autorités (religieuses, scientifiques, morales, politiques) que nous écoutons et/ou respectons.

Le rôle des croyances est de produire des actions, des comportements. Tous les hommes sont portés à croire, l’exigence attendue est que nous restions ouverts au dialogue et que nous gardions un esprit critique.

Les sources de nos croyances sont sans exception limitées et sujettes à l'erreur.

Nos croyances sont en droit comme en fait temporaires et révisables (croyance au Père Noël, aux fées, aux sorcières, à la petite souris et même en Dieu!).

 

Arrêtons nous sur la croyance au père Noël.. cette croyance est fascinante car elle se perd dans la nuit des temps. Depuis l'Antiquité, il y a toujours eu des personnages qui viennent gâter les enfants pendant la nuit. Le Père Noël reste avant tout un fait culturel, indépendamment de sa récupération économique. L'ampleur et la persistance de cette croyance sous-tend quasiment une conspiration quasi planétaire....

Pourquoi les parents font-ils croire au Père Noël ? Une des hypothèses est que Noël permet à la famille, le temps d'une nuit, d'échapper au réel en reconstruisant une nouvelle réalité, une sorte de mythe de l'âge d'or où tout est possible. Le Père Noël symboliserait cela ; il représenterait le don miraculeux d'une manne, c'est à dire de tout ce que l'on désire malgré les contraintes financières. Même si cela n'est pas très conscient de leur part, les parents construisent grâce au Père Noël une sorte de cocon, une sécurité qui permet d'oublier les soucis, l'angoisse, la finitude. Ils peuvent en toute impunité célébrer l'enfant qui est en eux.

Les enfants cessent (en principe) de croire vers 6 ou 7 ans. La maturité cognitive et le niveau de pensée opératoire atteints à cet âge là amènent les enfants à faire la différence entre l’imaginaire et le réel. Malgré tout ne plus croire suscite une déception. Le mensonge des parents ne semble pas poser problème à la majorité des enfants et certains enfants continuent de simuler l'adhésion à la croyance.
Cette croyance à un monde merveilleux, est assez unique et mérite d'être vécue malgré le risque d'une déception future.

La croyance « en », qui se manifeste par la foi, relève d'une expérience spirituelle particulière, soit d'un sentiment d'une présence voire de l'expérience d'une présence pour les mystiques. C'est aussi l'espoir d'une présence extérieure vécue dans l'intériorité, croire en quelque chose qui nous dépasse, adhérer à un être "incroyable". La croyance religieuse est pour certains une expérience fondamentale, un nouveau départ dans la vie, une expérience d'illumination, de révélation.

Elle est une expérience totalement individuelle mais aussi totalement collective dans le « croire ensemble ». La foi religieuse s'appuie sur un dogme, il n'y a pas de religions sans rituels, le rituel rejoue le dogme.

En anthropologie il n'existe aucun peuple sans religion, la croyance religieuse n'est pas que la vision matérialiste et réductrice, "l'opium du peuple", elle relève de la transcendance.

 

Toute croyance et en particulier la croyance religieuse induit l'expérience du doute, il n'y a pas adhésion totale, quand elle est entière on parle de certitude. Le doute protège de l'idolâtrie et du fanatisme. Le fanatique sort du doute par un saut aveugle dans une foi qui ne doute de rien. Il a la certitude de posséder la vérité absolue et entend l'imposer par tous les moyens y compris la force. Son adhésion à la croyance est inconditionnelle, étroite, dépourvue de tout esprit critique. Le fanatique baigne dans une pensée duelle, rigide, manichéenne. Il y a des fanatiques de tous bords, de toutes formes d'idéologies.

Quand la croyance s'impose dans le gouvernement des hommes on tombe dans le totalitarisme ou la théocratie.

 

Si les croyances construisent l'individu, nous devons exercer toute notre lucidité. Il y a des croyances injustes (celles qui conduisent au racisme), des croyances dangereuses (celles qui conduisent au fanatisme), des croyances qui confinent à la démence (délire politico-religieux) ou celles qui donnent une confiance excessive (toute puissance de la technologie).

 

Question....

Comment expliquer ce besoin de croire, l'étrange pouvoir des croyances ? Pourquoi l'homme se soumet-il soudainement à une foi qu'il ignorait hier, et pourquoi l'élève-t-elle si prodigieusement au-dessus de lui-même ?

On ne peut pas dire que le besoin de croire ait disparu, il a trouvé refuge en dehors de la religion, en dehors de la science dans la production de nouvelles cultures. Les librairies regorgent d'ouvrages sur la magie, les prophéties, les modes de communication avec des entités…. Suivant les générations les croyances évoluent. Nous voulons croire à une certaine représentation du monde. Nous voulons croire que notre vie aura un sens si nous agissons de telle ou telle manière: Dans tous les secteurs de notre vie, nous cherchons un ordre, une explication cohérente, des lignes directrices voire transcendantes. Certains cherchent plus ou moins par eux-mêmes, d'autres se fient à un tiers, prêtre, gourou, médias !

Même l'athée et le sceptique croient en quelque chose. Le monde ne se divise pas en croyants et incroyants, du côté des croyants il n'y a pas uniquement la foi, et de celui des incroyants la science. Je dirais que dans le monde humain il y a plutôt des plus ou moins croyants.


La contradiction est que nous avons un besoin de certitude. Les convictions ne suffisant pas à nous assurer la cohérence dans tous les aspects de notre vie, dans toutes les avenues de la connaissance, les croyances comblent les espaces.

 

La croyance s'oppose t-elle au savoir ?

 

La croyance s'oppose au savoir quand elle repose sur des superstitions, de la crédulité. La crédulité est une forme irrationnelle de pensée qui porte à croire plus ou moins n'importe quoi sans justification. La faiblesse de l'esprit critique laisse le champ libre à la crédulité, attitude dans laquelle l'esprit avale des idées reçues sans examen.

Un esprit superstitieux est crédule d'une manière plus aiguë, il voit partout des signes avant coureurs de ses propres attentes.

Ne pas confondre naïveté et crédulité, la naïveté est l'ouverture à ce qui est neuf sans idée préconçue, vierge de présupposé (attitude de l'enfant).

La paresse intellectuelle favorise le conformisme des idées reçues, qui est en quelque sorte une forme de croyance où l'intelligence s'est endormie.

 

De nombreuses questions se sont présentées .....

Peut-il y avoir vérité sans croyances? A quel moment commence l'aveuglement?

Est- ce que toutes les croyances se valent et doivent être autorisées, si non faut-il interdire celles qui paraissent en contradiction avec les idées que l'on se fait du vrai ou du bien? Qu'est ce qu'une bonne croyance? Peut-on juger les croyances des autres, a t-on le droit de croire à n'importe quoi? Comment faire la distinction entre les croyances dangereuses pour les personnes ou les biens? Comment ne pas risquer de ne pas récuser au nom du bien et du vrai la liberté de pensée et la libre discussion des idées, qui sont les conditions d’une justice démocratique (fondée sur l'expression du libre choix des citoyens quant à la définition de la loi commune) ainsi que du progrès des sciences dans la production de la vérité.

Si l'on admet que certaines croyances menacent l'ordre public et la paix civile ainsi que le progrès des sciences (ex; certaines positions religieuses intégristes) faut-il les combattre voire ne pas tolérer qu'elles s'expriment publiquement ? Le principe démocratique de la tolérance est-il absolu, (inconditionnel et sans limites) ou relatif (dans le cadre du droit).

Faut-il s'interdire (et sommes nous en capacité) de croire n'importe quoi, ou faut-il accorder à l’État le droit de légiférer dans un domaine où la liberté individuelle de pensée est en cause?

Voilà mes SS. et FF. de quoi alimenter de nombreux débats......

 

Qu'en est-il du côté des opinions ?

 

Comme je l'ai dit au début l'opinion est un jugement, une manière de penser sur un sujet.

En fait nombre d'opinions sont incertaines, variables selon les individus, les classes sociales et les cultures. Une opinion est toujours subjective, elle repose sur des points de vue personnels, mais peut s'appuyer sur un héritage familial, l'influence de l'entourage, ce qui met mal l'idée qu'elle provient d'un raisonnement construit.

On peut évoluer dans son opinion sans se renier. Si la vérité prétend à l'unicité, l'opinion suppose la pluralité. C'est pour cela que les opinions sont au cœur du débat public.

Les opinions publiques sont des opinions individuelles agrégées et pluralistes. Quant aux opinions publiques mondialisées elles sont autant traversées de passions que d'idées intellectualisées et circulent avec une étonnante fluidité et rapidité.

 

Les opinions sont diverses, variables, opposées, elles se forment, se déforment et se défendent. Elles bougent à tout instant en se frottant les unes aux autres mais aussi aux savoirs et aux croyances. Nous sommes constamment confrontés à des choix, moraux, politiques et faire un choix c'est privilégier une opinion au détriment d'une autre, c'est accorder à l'une plus de valeur qu'à celles que nous avons exclues.

 

Quel est le lien entre opinion et vérité ?

 

La science propose des critères montrant à quelles opinions il faut se fier, car elle repose avant tout sur des faits, des observations. Ainsi Galilée a pu prouver grâce à ses observations et contre l'opinion des religieux que la terre tournait autour du soleil. Darwin en développant la théorie de l'évolution est allé à l'encontre des croyances religieuses en se fondant sur la preuve-observation des fossiles et des couches géologiques. Mais n'oublions pas que nombre de vérités scientifiques sont temporaires car susceptibles d'être détrônées par de nouvelles découvertes.


Toutes les opinions ne sont pas bonnes à dire et vont à l'encontre de la liberté d'expression et expose au délit d'opinion. Dans le droit français nombre de délits d'opinions sont visés : atteinte à l'autorité de la justice, au moral de l'armée, aux bonnes mœurs, rébellion et outrage envers les corps constitués …..mais il existe des sanctions non judiciaires comme le licenciement d'un employé pour opinions incompatibles avec sa mission – ex : journalisme.

 

Comment dans le monde d'aujourd'hui se forger des opinions justes, empreintes de tolérance, reposant sur un jugement critique et la liberté de pensée ?

 

L'espace public est fragmenté, occupé par de multiples sources d'information. Nous devons tout savoir sur tout, être branché en continue sur les événements planétaires. Le sensationnel pollue tant la presse écrite que télévisée, les réseaux sociaux peuvent être parfois de véritables poudrières. Il règne des controverses multiples et éphémères qui détrônent le débat et la délibération, expression du débat démocratique. Nous n'avons plus le temps de prendre du recul sans se sentir déconnecté.

L'utilisation exacerbée des sondages d'opinions fait que l'opinion publique devient un déclencheur de l'action politique. La démocratie d'opinion peut traduire une dérive vers le populismeet la démagogie. Elle constitue une dérive de la démocratie représentativequi utilise les mêmes moyens d'influence que la publicitéqui cherche à orienter le choix des consommateurs.

 

En quoi la démarche maçonnique peut nous aider à clarifier nos choix, alimenter le doute et nous aider à forger des opinions justes et universelles?

Le rituel d'initiation dit aux profanes, je cite: "le GODF n'admet aucune limite à la liberté d'esprit, à la liberté de conscience, le droit de croire à un Dieu créateur ou de n'y pas croire, pratiquer une religion ou n'en pratiquer aucune. Toutes les idées philosophiques, politiques, sociales ou autres sont égales tant que la dignité de l'homme est respectée. Chez nous la raison ou le sentiment ne subissent aucune entrave...vos opinions et croyances seront parfaitement respectées. Vous aurez évidemment l'impérieuse l'obligation de respecter celle des autres : la tolérance est un article capital de notre Constitution".

 

La maçonnerie nous aide dans la pratique du doute, du questionnement à soi, de la recherche de la vérité. La tolérance, l'écoute, la critique positive sont des pierres sur lesquelles nous sommes invitées sans cesse à travailler. Ce travail souvent laborieux, qui exacerbe nos limites, nous exerce à non pas juger de la personne mais à juger de la recevabilité de ses croyances ou opinions.

Un autre angle est celui de la valeur du travail qui nous interdit la paresse intellectuelle qui favorise le conformisme des idées reçues, l'apprentissage de la critique avec pour corollaire le respect d'autrui, l'expérience du dialogue critique avec les autres qui sous-tend comme condition nécessaire le dialogue avec soi. "Critique-moi, tu me fais du bien" disait Socrate.

 

La démarche maçonnique a valeur d'éducation personnelle, d'éducation citoyenne, d'éveil, d'élévation et de recherche de transcendance. Le nécessaire retour à soi permet la mise à distance du monde, de son agitation et de ses dérives.

La laïcité est le ciment social qui permet à tous de vivre ensemble quelles que soient les opinions et les croyances des uns et des autres. En plaçant l'espace public au dessus des partis et des clans, elle met l'accent sur ce qui rapproche les citoyens et non sur ce qui les sépare. Elle est la promesse d'une société tolérante respectueuse de la liberté absolue de conscience, intransigeante quant à l'influence séculière des religions.

Le collectif civil et l’État doivent jouer leur rôle quant aux choix éducatifs, au respect de la pluralité et de l'indépendance des sources d'information, mais aussi l'obligation de vigilance envers la diffusion de croyances et d'opinions non conformes à la morale ou en contradiction totale avec le consensus scientifique (ex: l'émergence du créationnisme aux USA).

 

En conclusion je citerai Alexis Tocqueville* ("De la démocratie en Amérique, 1835 et 1840) « il n'y a pas de société sans opinions communes. Elles naissent de différentes manières et peuvent changer de forme et d'objet; mais on ne saurait faire sans opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Il n'y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances semblables. Sans idées communes il n'y a pas d'action commune et sans action commune il existe certes des hommes mais non un corps social. Pour qu'il y ait société et à plus forte raison pour que cette société prospère il faut que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales.
L'homme est "réduit" à tenir pour assurée une foule de faits et d'opinions qu'il n'a ni le loisir ni le pouvoir d'examiner et de vérifier lui-même, mais que de plus habiles ont trouvé ou que la foule a adopté (manque de temps, de faculté intellectuelles). C'est sur ce premier fondement qu'il élève lui-même l'édifice de ses propres pensées. Un homme qui entreprendrait d'examiner tout par lui-même ne pourrait accorder que peu de temps et d'attention à chaque chose; ce travail tiendrait son esprit dans une agitation perpétuelle qui l'empêcherait de pénétrer profondément dans aucune vérité et de se fixer avec solidité dans aucune certitude. Son intelligence serait tout à la fois indépendante et débile. Il faut donc parmi les divers objets des opinions humaines faire un choix, adopter beaucoup de croyances sans les discuter afin d'en mieux approfondir un petit nombre.

Recevoir une opinion sur la parole d'autrui c'est mettre son esprit en esclavage, mais c'est une servitude salutaire qui permet de faire bon usage de la liberté".

 

 

J'ai dit

 

 

* De la démocratie en Amérique (1805-1859), Alexis Henri Charles Clérel, vicomte de Tocqueville, penseur politique, historien et écrivain français. Il est célèbre pour ses analyses de la Révolution française, de la démocratie américaine et de l'évolution des démocraties occidentales en général.

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commentaires

V
intéressant merci
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