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Notre Loge

  • : Lumières et laïcité
  • : Promouvoir la laïcité et la mixité au sein du monde profane et encourager la création de loges mixtes au Grand Orient de France
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12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 21:00

En France, on gaspille entre 2 millions et 6 millions de tonnes de nourriture par an : 2 millions si on ne tient compte que du gaspillage des ménages et 4 millions supplémentaires si on y ajoute les invendus évacués par les grandes surfaces quand les dates limites de consommation sont atteintes.

Dans le même temps, 795 millions de personnes dans le monde souffrent de sous-alimentation et d'après certains chiffres, toutes les six secondes, un enfant meurt de faim.

Comme tous ceux qui participent au soutien associatif, je suis inscrite dans un fichier central ce qui m'expose à de nombreuses sollicitations. C'est ainsi qu'une association de lutte contre la faim m'a récemment adressé une enveloppe contenant des photos, une pipette en plastique et tous les documents indispensables à mon inscription dans le fichier des donateurs.

Les photos provoquent l'effet recherché : l'horreur, la pitié, la compassion, la honte aussi. En effet, elles représentent un enfant complètement décharné, dont l'âge peut osciller entre 3 mois et 3 ans et qui ressemble à un vieillard.

La pipette est là pour me suggérer, qu'une fois remplie du traitement adéquat grâce à mon chèque, l'association ''Action contre la faim'' tentera de sauver ce pauvre enfant vieillard. Mais le sauver de quoi ? De la mort immédiate ? Sans doute !! Mais ensuite, le faire vivre pour quoi faire ? Ou pour faire quoi ?? Donner plus tard la vie à des enfants-vieillards qui seront sauvés à leur tour par des pipettes de vitamines ?

Des enfants vieillards qui, devenus adultes, dépendront toute leur vie de l'aide humanitaire ? Et qui n'auront jamais assez à manger ? Au point que la quête de nourriture d'un jour sur l'autre, deviendra une implacable obsession, ce autour de quoi tournera toute leur existence ! Cela fait froid dans le dos !

C'est parce que c'est un sujet très vaste qui fait poser tellement de questions que j'ai choisi de n'en faire qu'une planche très courte pour n'avoir justement que des questions à poser car je ne connais pas les réponses et je ne sais même pas s'il y en a.

Je parraine une petite fille au Sénégal à travers l'association ''Un enfant par la main''.

Elle a un petit frère et sa maman est prête à accoucher de son troisième enfant et, dans un an, je suppose, du quatrième etc...

Et avant elle, j'ai parrainé pendant douze ans une enfant handicapée mentale qui avait six sœurs et frères. Malgré son handicap, elle s'est mariée, ou a été mariée il y a deux ans. Et pour faire quoi : 5 ou 6 enfants ? Qui iront grossir les rangs de ceux qui feront appel à l'aide internationale pour survivre ?

La faim dans le monde est-elle une fatalité ? Que font les dirigeants des états traditionnellement touchés par la sous-alimentation tels que le Tchad ou la République du Congo ? N'auraient-ils pas pu, depuis longtemps, réfléchir et mettre en place des systèmes pour améliorer la vie de leurs populations ? Et de quel œil ces dirigeants voient-ils s'installer dans leurs pays, des ONG qui viennent nourrir leurs populations ? Ceux dont ils ont la responsabilité ?

Sur 55 pays africains, il n'y en a que 6 à n'être pas concernés par cette problématique.

J'entends à la radio que la Somalie, le Kenya et l'Ethiopie sont frappés par une sécheresse sans précédent qui a tué une grande partie du bétail, détruit les quelques maigres cultures et privé les habitants des ressources les plus élémentaires.

Une partie de l'Ouganda et de Djibouti est aussi touchée. L'Afrique de l'Est subit la pire sécheresse depuis 60 ans dont l'impact ne cesse de s'intensifier.

En France, La consommation d'eau par jour et par personne est évaluée à 200 litres...

A cause de la sécheresse, au moins 12 millions de personnes sont aujourd'hui menacées de famine. L'organisation onusienne : ''Programme Alimentaire Mondial'' demande à la communauté internationale d'agir et appelle les citoyens du monde entier à participer à l'effort d'aide humanitaire. Sa Directrice exécutive, Josette Sheeran, avertit que ''La crise alimentaire actuelle dans la Corne de l'Afrique risque de se transformer en catastrophe majeure faute d'action immédiate''.

De leur côté, les spécialistes du climat expliquent que c'est au réchauffement climatique que l'Afrique doit cette sécheresse.

Depuis le Sommet de la terre de Rio de Janeiro, en 1992, on a multiplié les conférences et les sommets sur le climat pour lutter, en principe, contre ce fameux réchauffement.

Qui a déjà entendu parler d'un vrai accord ? D'un vrai consensus ? Quelles indispensables mesures ont réellement été mises en place ? J'ai entendu ce matin à la radio que les prétentions de la dernière conférence sur le climat sont déjà revues à la baisse.

Deux théories s'affrontent :

- il y a ceux qui pensent que la planète pourrait être auto-suffisante, pour peu que les bonnes décisions soient prises au niveau politique,

- et il y a ceux qui démontrent que la présence humaine pèse lourdement sur l'écologie de la Terre. Mais qui a envie de l'accepter ?

Pour les croyants, comment souscrire à une telle menace ? L'injonction que dieu aurait faite à Adam et Eve : ''Allez et multipliez-vous !'' est LEUR preuve que la capacité de la terre à accueillir une population en constante augmentation ne doit avoir aucune limite !

Cette injonction n'en finit pas de faire des ravages et pèse toujours aussi massivement sur le comportement des croyants à qui la contraception et l'avortement sont interdits.

Même quand il a été question d'éviter le sida, les religieux catholiques en place ont demandé aux femmes africaines de ne pas utiliser de préservatifs : donner la vie d'abord et avant tout ! A tout prix, il faut naître ! Peu importe ce qu'il advient après !

Pour beaucoup et même parmi les non croyants, rien n'est plus important que la vie, même miséreuse ! Même handicapée ! Mais est-ce que cette volonté dogmatique ne tient pas au fait que, en dehors et au-delà de la vie, nous ne connaissons rien ? Et l'après vie nous fait tellement peur !

Je vais aborder maintenant un autre aspect de la pauvreté et de son corollaire la sous-alimentation, celles dont nos pays suralimentés sont, d'une certaine manière, responsables. Il s'agit de l'exploitation de populations à qui on fait faire un travail pour une rémunération tellement infime et dans des conditions tellement dures qu'il s'apparente à l'esclavage.

Je ne donnerai qu'un seul exemple : l'installation de Primark à Lyon. J'ai eu sous les yeux un article du PROGRES qui titre : ''la folie Primark déferle sur la Part-Dieu''.

On voit la photo d'une foule énorme en train de faire la queue pour entrer dans un magasin. L'article explique que pour la seule journée du vendredi 23 octobre, le nombre de personnes attendues est évalué entre 2500 et 4000 ! J'explique pour ceux qui ne connaitraient pas cette firme dont j'ignorais moi-même l'existence jusqu'à la lecture de cet article : c'est une marque de vêtements low-cost, qui vend des vêtements fabriqués au Bangladesh, pour environ 5 euros pièce, des robes notamment !!

Des prix de vente aussi ridiculement bas, lorsqu'on a enlevé la TVA, la matière première, la confection, le conditionnement, le transport et, enfin, la commercialisation, ne peuvent s'obtenir qu'au détriment de ceux qui les fabriquent dans des conditions épouvantables, pour un salaire de misère.

Et dans quel but ? Permettre à une foule de femmes, bien nourries, en Europe, de s'habiller pour le prix de trois baguettes de pain.

Même si nous faisons très attention à l'eau que nous consommons, même si nous cessons de gaspiller des tonnes de nourriture, cela ne changera rien pour ces pays qui subissent la sécheresse car il n'est pas possible de leur expédier ce que nous n'avons pas consommé. Mais en revanche, notre responsabilité est énorme si, pour satisfaire à une envie passagère, nous sommes prêts, en France à acheter l'équivalent de 30 vêtements pour le prix d'un seul.

Est-ce que ce n'est pas une manière de vouloir ignorer l'impact social et environnemental que ces achats font peser sur les pays où ils sont fabriqués ?

Et dans ces conditions, est-il vraiment possible d'avoir la conscience complètement tranquille ?

Je terminerai en disant que dans le laps de temps qu'il m'a fallu pour lire ce tracé, 120 personnes sont mortes de faim.

J'ai dit

La fin de la faim
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23 octobre 2014 4 23 /10 /octobre /2014 21:00

A l'origine, une planche est une pièce de bois. Une pièce mais pas un morceau de bois. Comme le dit Sacha, fille d’Isabelle, c’est le fruit de plusieurs activités en amont, l'abattage, le sciage et le rabotage d'un matériau brut : un arbre. C’est une matière vivante, une partie d’un arbre que l’on a scié dans sa largeur pour en retirer une bande plus large qu’épaisse. A l’état brut, il faudra la raboter, la sabler, la polir, pour que l’artisan ou le franc-maçon puisse la façonner. La planche ainsi obtenue, qu’elle soit concrète en menuiserie ou abstraite en maçonnerie, n'est pas un travail achevé comme une fin en soi. Elle n'a de sens et d'utilité qu’assemblée à d'autres planches, elle sert à la construction de quelque chose, meuble, maison …en menuiserie, et, réflexion, étude, analyse, prospective…en maçonnerie.

On donne le nom de planche également à  une illustration ou ensemble d'illustrations relatives à un même sujet, occupant dans un livre la plus grande partie et aussi  à   une plaque de métal ou de bois, sur laquelle on effectue un travail de gravure pour en tirer des reproductions.

Il y a également des planches à découper, des planches à pain, des planches à repasser, des planches à dessins, des planches pourries et des planches de salut … On peut également  avoir du pain sur la planche,  avoir du travail sur la planche,  monter sur les planches,  brûler les planches.

 

Une planche de compagnon franc-maçon est une planche particulière. Elle est faite d’un savoir en moins et d’une activité en plus, de ce qu’elle ne dit pas et de ce qu’elle offre d’extraordinaire.

Dans le savoir perdu, écarté, se trouvent quelques certitudes, convictions et aprioris. Quelques savoir-faire aussi.

L’activité supplémentaire est dans la mise au travail de ce qui s’est donné à découvrir et à partager dans l’atelier et plus largement dans l’obédience, dans l’usage de ce qui est spécifique et commun aux francs-maçons.

Ce qu’elle ne dit pas est ce dont s’est enrichi le compagnon auprès de ses sœurs et de ses frères et qu’il ne répète pas.

Ce qu’elle offre d’extraordinaire est ce qui est propre au compagnon, ce que traduit son regard singulier sur les choses et sur le monde.

 

La planche présentée aujourd’hui est une planche à trois voix, de trois compagnons. Faire une planche à trois voix, c’est approcher la découverte et l’acceptation de la seconde et de la troisième voix. C’est découvrir le tracé propre à chacun, abandonner la maîtrise individuelle de l’ouvrage, sacrifier la cohérence individuelle au profit d’une richesse nouvelle, renoncer à son récit unique et découvrir ce que ce renoncement amène à voir de l’autre et à voir d’autre. C’est abandonner d’idée d’un grain unique, prendre du recul et découvrir la force et l’harmonie d’une chorale, approcher le chœur (celui de la tragédie grecque antique), l’émotion dans le sens premier et vieilli du mouvement, de l’agitation d’un corps collectif.

 

Le tracé de la planche est le chemin de l’individu au collectif, le collectif s’élargissant du trio aux Sœurs et Frères de la loge, le tracé pouvant s’ouvrir sur l’obédience, par exemple sur les questions portées à l’étude des Loges, comme il peut s’ouvrir sur le monde par la minuscule fenêtre du blog de l’Atelier.

 

Prenons un peu de recul et comparons la planche à la pierre taillée.

Sur un plan opératif, le maçon taille sa pierre et utilise à cette fin le burin et le marteau. Il taille la pierre brute afin de produire une pierre taillée, un parallélépipède à angle droit. Disons un cube, pour faire simple. Ce cube, assemblé à d’autres, permet de construire un édifice. Cet édifice est le lieu qui abrite les maçons, autrement dit le temple.

Le cube ne traduit toutefois qu’un stade du travail maçonnique, car un travail plus abouti conduira le maçon à produire un cube orné en son sommet d’une pyramide. La pyramide incarne tant l’imperfection de la nature humaine (il est difficile d’assembler des pyramides entre elles) que l’édifice le plus grandiose (les pyramides monumentales de l’Egypte ancienne). En cela, le travail du maçon vise non seulement à tailler sa propre pierre, essayant vainement de tendre vers une perfection inatteignable, mais contribue également à l’édification d’un ouvrage supérieur.

La construction de la pyramide ne peut relever du travail d’un seul, mais seulement d’une multitude. Cette pyramide est le fruit d’un travail collectif, d’un travail en réalité sans fin où la noria de maçons se succède génération après génération.

 

Le maçon, dans sa planche utilise le « je » et le « nous ». Le « je » est un « je » modeste. Il exprime un point de vue singulier, sur autrui et sur le monde. Il est responsable et seul responsable de ce point de vue. Il l’assume, le défend et en accepte les limites qui sont qu’à priori, ce point de vue n’est pas généralisable, jusqu’à vérifier qu’il est partagé par d’autres. Le « nous » est le « nous » maçon. Il est fait du commun partagé, du rituel, de l’expérience, du vécu, des relations, des fondamentaux et des valeurs maçonniques. Il participe de, et à l’égrégore.

La planche, dans sa dimension artisanale, a ses critères propres. Elle est construite dans une forme grammaticale et stylistique cherchant la perfection, elle s’accompagne d’un résumé, elle a sa place sur le Blog qui permet une anticipation, une relecture et une ouverture sur le dehors.

Une planche est un exercice de lecture à voix haute, exercice difficile situé entre la lecture silencieuse qui précède le tracé et la prise de parole sans support écrit qui suit le tracé, prise de parole des Sœurs et Frères auditeurs.

 

Il est bien évident que le travail du maçon, au sens spéculatif, ne consiste pas à bâtir un édifice matériel mais spirituel. En cela, le maçon utilise non pas le marteau et le burin mais le verbe et la parole, qui sont d’ailleurs les seuls vrais outils du maçon, ou plutôt du franc-maçon. La planche, au sens spéculatif du terme, est donc le principal moyen utilisé par le maçon pour tailler sa pierre et contribuer à l’édification collective.

Traiter une planche n’est jamais un but en soi, mais constitue, quel que soit le sujet, un moyen de parachever l’édifice séculaire. La planche est un point de passage entre la vie matérielle et la vie spirituelle. La planche n’a d’autre finalité que de constituer un vecteur de communication, ou plutôt de communion, entre les maçons.

Les planches produites au sein d’une loge constituent sa matière et leur qualité caractérise la densité de celle-ci. Chaque loge est elle-même l’une des pierres taillées d’un ensemble plus vaste, l’obédience (le Grand Orient de France en ce qui nous concerne), qui elle-même constitue une pyramide, sur un plan métaphorique et symbolique s’entend. Une pyramide perpétuellement inachevée bien entendu.

 

Dans sa face spéculative, une planche est une recherche, une visée, un au-delà de soi et une herméneutique. Elle est faite de valeurs et de liberté de pensée.

Par le tracé de sa planche, le maçon recherche la vérité. Cette vérité est une vérité maçonnique. Il ne s’agit pas d’une vérité absolue, extérieure. Cette vérité inclue une démarche, une mise en mouvement permanente, elle implique la personne en recherche, elle l’oblige à s’interroger sur ce qu’elle met en jeu d’elle-même dans cette recherche, elle s’inclue dans la communauté et la dynamique maçonnique.

La visée du tracé est une visée de progrès, donc en lente et constante évolution. Cette évolution, cette pensée en mouvement dans un monde en mouvement oblige à une éthique de vérité, un questionnement individuel et collectif sur ce qu’implique cette vérité dans ses liens et ses effets sur l’extérieur.

La planche élaborée est un au-delà de soi, elle devient un soi collectif, sociétal. Une planche participe au rituel, à la tradition maçonnique en même temps qu’elle renouvelle ses héritages de pensée et qu’elle construit son avenir.

Le tracé d’une planche est une herméneutique, un travail d’interprétation individuelle des questions et des textes, travail d’interrogation sur ce que représentent les idées et les mots pour chacun, travail incessamment renouvelé qui interdit à la vérité de s’ériger en dogme.

La planche est faite des valeurs, des qualités dont elle peut se prévaloir : la beauté, l’esthétique, l’érudition (du latin rudis, brut, erudire, dégrossir), la poésie, la sincérité, l’art, l’amour de l’humanité.

Un tracé est une expérience de liberté de penser juste (juste dans le sens altruiste, humaniste), avec l’idée de s’entraîner à acquérir cette liberté et de réussir à conserver cette pensée juste, en choisissant et en vivant son soi social maçon.

 

Une planche est une pièce travaillée, rabotée pour qu'elle présente une surface lisse, unie, sans aspérité. D’une même grosse pièce de bois pourront fleurir autant de planches, différentes, uniques, qu'il y a d’artisans ou d’artistes, le miracle étant que, malgré ces différences, elles finissent toutes pas s'ajuster, s'assembler harmonieusement dans la construction d'une réalisation commune.

 

Une planche est une passerelle tendue entre nos certitudes, entre soi et autrui, entre nous, un chemin d’équilibre entre nos points de vue, entre une opinion et ce qu’elle peut devenir dans l’alchimie d’une tenue, entre le symbolisme et les questions que posent notre société, entre le sacré et le factuel, entre la poésie et l’évènement, entre la loge et le monde.

Une planche se caresse, se polit, s’offre et se retire.

Ici, pas d’inscription dans le marbre, la matière de la planche est faite de bois, de pensée, d’encre et de partage. Le bois est vulnérable, oblige à la modestie et à la précaution. Il a ses essences propres, singulières, il est vivant, se patine avec l’usage et le temps, il a de la tenue face aux éléments, il flotte et peut soutenir les fondations de ce que bâtit l’homme.

 

 

Mes Sœurs et mes Frères, de votre point de vue, qu’est ce qui caractérise une planche de compagnon ?

Et qu’est-ce-qui fait qu’une planche est réussie, qu’elle trouvera sa place dans une parcelle de notre mémoire collective ?

Si ces questions amènent à d’autres questions, ce que nous espérons, nous vous invitons, non pas à me les poser, mais à nous les poser, nous tous ici présents, quitte à ce que certaines restent en suspens et sèment une, ou quelques graines de germination future.

 

Nous avons dit.

 

 

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25 septembre 2014 4 25 /09 /septembre /2014 21:00

Les usages sociaux, artistiques, religieux etc… des couleurs  remontent à la nuit des temps. Du paléolithique au néolithique on a trouvé  des rouges des noirs des bruns  des ocres, mais pas de bleu, ni de vert ni de blanc. Plus tard en occident, le faible rôle social et symbolique du bleu dans les sociétés européennes a duré jusqu’au Moyen-Age. L’être humain a difficilement et tardivement fabriqué la couleur  « bleue ». Ceci explique pourquoi en occident le bleu est resté longtemps une couleur de second plan par rapport au noir, au rouge et au blanc, les trois pôles, bases de toutes les sociétés anciennes.

Le rôle social des couleurs se traduit entre autres, mais est surtout perceptible dans la couleur des textiles, des habits en général.

L’univers des tissus mêle étroitement les problèmes matériels (trouver  la base des colorants), les techniques (la chimie des couleurs), les problèmes économiques (l’approvisionnement en matières premières, les enjeux commerciaux), les problèmes sociaux (la classification sociale) de même que les représentations symboliques, idéologiques et esthétiques.

 

DANS LE NORD DE L’EUROPE, les Celtes et les Germains, pour produire le bleu, utilisent les feuilles de la guède, une plante crucifère qui pousse à l’état sauvage sur les sols humides dans de nombreuses régions du nord de l’Europe tempérée. La guède deviendra une plante industrielle économiquement intéressante, nous le verrons plus loin.

Les peuples du PROCHE ORIENT utilisent l’indigo, matière colorante importée d’Asie ou d’Afrique. L’indigo est produit à partir des feuilles de l’indigotier ( buisson d’environ 2m de haut maximum.)

L’indigo est un produit cher car il  vient de loin.

Il est difficile de connaître exactement l’usage des couleurs à travers les civilisations car les traductions d’une langue à une autre ne disposent pas toujours du mot équivalent.

Tant en grec qu’en latin il est difficile de nommer la couleur « bleu ». Par exemple cette couleur n’est pas citée dans les couleurs de l’arc en ciel.

Il a fallu attendre plusieurs siècles pour stabiliser en grec le mot « glaukos » pour le bleu clair et « kyaneos » pour le bleu foncé.

Après tant d’incertitudes les mots « blavus » et « azareus » se sont imposés  dans les langues européennes.

D’où le questionnement des savants évolutionnistes de la fin du XIXème siècle sur la vision des couleurs des sociétés primitives ou antiques (les Romains voyaient-ils le « bleu » ?)  et sur l’aptitude à distinguer les couleurs dans les sociétés techniquement et intellectuellement développées et dites « évoluées » !

Certes les Romains n’étaient pas aveugles au « bleu » mais se vêtir en « bleu » éatit dévalorisant ou signe de deuil ! Avoir les yeux bleus était presque une disgrâce physique et chez la femme, la marque d’une nature peu vertueuse !

 

PENDANT LE HAUT-MOYEN ÂGE, silence et discrétion sur le « bleu » !

Pendant cette période le « bleu » reste  peu valorisé et peu valorisant.

Mais le bleu est présent dans les étoffes mérovingiennes, couleur héritée des Celtes et des Germains.

Le « bleu » est délaissé par les nobles et porté par les gens de petite conditions jusqu’au XIIème siècle. Même le christianisme n’arrive pas à mettre fin à la primauté du noir, du rouge et du blanc.

Il faudra attendre les vitraux du XIIème siècle.

APRES LE XII siècle on commence à parler des couleurs liturgiques et de leur signification : pour le « Blanc », la pureté, l’univers, le « Noir », l’abstinence, la tempérance, le « Rouge », le sang du Christ, la passion.

Il n’est toujours pas question de « bleu » !

Pourtant le « bleu » a déjà commencé sa révolution par le vitrail, l’émail, la peinture et le vêtement.

Il est absent dans les couleurs liturgiques mais présent en mosaïque, dans les enluminures. Il entre dans les fonds lumineux des images, or la lumière c’est Dieu : le « bleu » devient lumière, lumière divine. L’art occidental sera un compromis de XIVème siècles le « bleu » devient couleur à la « mode », les codes sociaux, les systèmes lumière, d’or et de bleu.

Aux  XIIIème et de pensée  et les modes de sensibilité ont changé.

Le « bleu » s’exprime pleinement sur les images et les vitraux qui représentent la vierge Marie, son environnement mais aussi sur la représentation des corporations.

Les maîtres verriers et enlumineurs conçoivent cette nouvelle lumière empruntée aux théologiens.

Le « bleu » va s’exprimer dans la vie sociale. En héraldique naît le « bleu royal ».

Les conséquences seront économiques, l’azur sera plus fréquent dans l’est de la France et le noir dans les autres régions.

La nouvelle vague des « bleus » à partir su XIIIème siècle est favorisée par le   développement de la culture de la guède, véritable enjeu industriel : la pâte extraite des feuilles donnera le « pastel » produit qui coûte très cher.

Les teinturiers du « bleu » prennent la tête devant les teinturiers du rouge, notamment en Flandres (Bruges), en Artois, Languedoc et Catalogne .

 

DU XVème  au XVIIème siècle :

Le bleu, qui est promu couleur maritale, couleur royale, devient le rival du noir dans les vêtements.

L’arrivée de la rigueur du protestantisme mais aussi le souci d’économie dans les cours européennes vont aboutir par les « lois somptuaires et les règlementations vestimentaires » au retour de la couleur noire, couleur vertueuse. Certaines couleurs seront prescrites, interdites car trop chères !

Le noir, couleur vertueuse, digne de la chrétienté, va assimiler le bleu couleur honnête, tempérante, couleur du ciel et de l’espoir. Le gris et le bleu sombre seront tolérés.

 

AU XVIIIème siècle et début du XIXème, le bleu devient la couleur préférée.

C’est la couleur du progrès, de la Liberté, des rêves, des Lumières, du romantisme.

Newton lui a trouvé sa place dans la classification chromatique.

Economiquement c’est la guerre du bleu pastel (guède) contre le bleu indigo ! Finalement c’est l’indigo qui supplantera le marché.

Durant cette période le « bleu » devient le bleu national, militaire et politique. Le « bleu » devient la couleur de la France (encore maintenant avec le maillot des sportifs par exemple) !

Cette France « bleue » possède des racines historiques profondes : le drapeau. Le « bleu » est la couleur la plus importante car toujours visible (même quand le drapeau est en berne).

La Révolution a répandu la cocarde symbole de l’adhésion aux idées nouvelles  et signe de reconnaissance de plus en plus politique (être pris sans cocarde vaut 8 jours de prison et la mort à celui qui arrachera une cocarde !)

Avec le blocus continental Napoléon 1er fera appel aux chimistes pour fabriquer le colorant « bleu ».

En 1829 Charles X, par raison d’économie (mais peut-être aussi pour rompre avec la révolution) ordonna le pantalon de couleur rouge (garance) aux soldats d’infanterie, couleur qui sera responsable d’hécatombes jusqu‘en  1915.

AU XIXème siècle  le « noir » redevient une couleur dominante jusqu’au début du XXème.

Dès le début du XXème la palette des couleurs recommencent à se diversifier et parmi les couleurs demandées, le « bleu » que l’on retrouve dans les costumes, les uniformes, le blazer et surtout une invention qui va inonder le marché : le « jean ».

 

AUJOURD’HUI  Le « bleu »

- se peint : la période bleue de Picasso, le bleu de Klein

- se chante : « Bleu le ciel de Provence » de marcel Amont ou « Le bleu de tes yeux » d’Edith Piaf, « La maison bleue » de Maxime Leforestier

- se fume : les gauloises bleues

BLEU est un mot magique qui séduit, apaise, fait rêver, voyager.

Il fait l’unanimité car il n’est pas marqué comme d’autres couleurs. C’est la couleur des organismes internationaux (les ONG, les casques bleus … ).

 

Ma CONCLUSION  est une question :

Aujourd’hui, que reste-t-il du bleu en Franc-Maçonnerie ?

 

J’ai dit.

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23 janvier 2014 4 23 /01 /janvier /2014 21:00

 

 

INTRODUCTION

 

« Il n'existe rien de constant, si ce n'est le changement » (Bouddha).

 

La rhétorique politicienne nous abreuve depuis des années de slogans divers et variées prônant le changement. Cependant, il faut constater que ces discours cadrent bien peu avec la réalité.

 

Mon propos vise à faire un état du changement en France de 1789 à nos jours et sera délibérément orienté en direction de la ''chose'' économique. Comment se produit le changement ? Survient-il plutôt dans des contextes de crise, jusqu’à engendrer des révolutions, ou arrive-t-il davantage par voie de réformes ? Quel chemin pouvons-nous prendre pour engager la France sur la voie du changement ?

 

 

 

PARTIE I. L’APPROCHE HISTORIQUE

 

CRISES ET REVOLUTIONS

 

Rien n’est plus essentiel à la compréhension du présent et à l’anticipation du futur que l’analyse du passé. Parcourons l’histoire de France contemporaine en prenant appui sur cinq périodes clés et attachons-nous à identifier leurs déterminants.

 

1. La période préalable à la révolution de 1789, 1776-1789 :trois contrôleurs généraux des finances de Louis XVI, Turgot, Calonne et Necker, se succèdent à la tête de l’État. Turgot démissionne en 1776, chassé du pouvoir par une coalition de privilégiés. Il prônait d’ambitieuses réformes, d’inspiration libérale, qu’il n’a pas pu mettre en œuvre : d’une part, une réforme fiscale, d’autre part la suppression des entraves paralysant l’initiative individuelle et limitant la circulation des biens et enfin la création d’un système d’assemblées provinciales pour contrebalancer le pouvoir royal. Il parvient néanmoins à réduire les déficits grâce à des économies. Necker remplace Turgot en 1777 et préfère recourir à l’emprunt plutôt que de réaliser des économies. Il met timidement en œuvre quelques réformes inspirées de son prédécesseur. En 1786, Calonne est au pouvoir depuis 3 ans et, malgré une volonté réformatrice, les finances sont dans un état catastrophique. La fiscalité, qui s’est alourdie considérablement, est inefficace car elle repose sur une portion trop réduite des acteurs économiques, compte tenu de l’exemption d’impôts de la noblesse et du clergé. A l’absence de réforme fiscale, s’ajoute une cour, dispendieuse et incapable de faire des économies. En 1788, une réforme fiscale est exigée par le parlement. L’attente de réforme atteint son paroxysme. Il y a opposition frontale entre ceux qui espèrent des réformes et ceux qui s’y opposent, car jouissant de privilèges. L’instabilité et l’incompétence politique sont de mise, depuis le départ de Calonne. Le pays est devenu ingouvernable et le pouvoir contre-attaque en promulguant des ordonnances. C’est alors que sont convoqués les États généraux pour mai 1789…

 

2. La révolution de 1830, dite les ''3 glorieuses'', qui aboutit à l’instauration d’une monarchie constitutionnelle :les ferments en sont l’exercice d’un pouvoir autoritaire par le roi Charles X, qui conduit à une crise politique.

 

3. La révolution de 1848, qui aboutit à l’instauration de la 2ndeRépublique ainsi que du suffrage universel, jusqu’alors censitaire : les causes en sont l’incapacité du pouvoir, incarné par Louis-Philippe, à se réformer, aboutissant à une crise économique et politique.

 

4. Plus d’un siècle après, l’arrivée au pouvoir de De Gaulle en 1958 :dans un contexte de crise politique sur fond de décolonisation et d’enlisement en Algérie, De Gaulle, très largement plébiscité, est l’homme providentiel. Il met en place la 5èmeRépublique, qui renforce les pouvoirs de l’exécutif au détriment du parlement.

 

5. Et enfin, la crise politique et sociale de mai 1968 :après des mouvements étudiants, des émeutes et une grève record (plus de deux millions de grévistes), cette crise aboutit aux accords de Grenelle et à la réélection massive de De Gaulle, face à une gauche d’inspiration réformatrice, incarnée par Mendès-France.

 

Il ressort de cette analyse que la France, taraudée par l’attente de réformes qui ne viennent pas, a affronté pas moins de cinq crises et révolutions dans son histoire contemporaine. Cette propension au ras-le-bol et au changement radical n’est-elle pas le signe d’un pays qui peine à se réformer ?

 

MUTATIONS ECONOMIQUES DEPUIS 1945

 

En 1945, le gouvernement provisoire, présidé par de Gaulle nationaliseles secteurs clés de l’économie et les grandes entreprises, crée la Sécurité sociale et les comités d’entreprise. Unvéritable État-providence, allié à un système d’économie mixte, se met en place. L’État domine le secteur de l’énergie puis assure les grandes orientations de l’économie. Il est aussi l'instigateur de grands travaux d'infrastructures et de logements. Enfin, un puissant secteur bancaire se constitue alors que Paris émerge en tant que place financière. Ces nombreuses transformations s’accompagnent d’une libéralisation relative de l’économie.

 

Entre 1947 et 1973 (les ''trente glorieuses''), l’économie se tertiarise et évolue en profondeur. On assiste, au final, à 30 années de mutations économiques et sociales, à la fois rapides et silencieuses, même si cette période n’est pas dominée par une série de grandes réformes. De ce fait, on ne peut pas établir que la France ne tolère qu’un changement de rupture. La société française a montré qu’elle savait s’adapter.

 

 

 

PARTIE II. LA SITUATION DE NOS JOURS

 

EVOLUTION MONDIALE ET SYSTEME DE PENSEE DOMINANT

 

La mondialisation, qui repose sur le développement du commerce et une réglementation plutôt limitée sinon peu contraignante (règles de l’OMC), incarne de façon assez claire le triomphe du courant libéral. Aucun État, mis à part la Corée du nord et Cuba, ne conteste, à tort ou à raison, les bienfaits de l’économie de marché sur le plan de la création de richesses. Ainsi les États-Unis et la Chine (un État communiste) sont devenues les chantres du libéralisme économique. L’Europe n’est pas en reste, même si elle tire moins de bénéfices de la mondialisation que ses partenaires. L’Allemagne, cœur de l’Union Européenne et la zone euro, s’est construit une puissante économie de l’offre basée sur une industrie très spécialisée qui a su comprimer ses coûts, devenant ainsi ultra-compétitive. Les pays scandinaves eux-mêmes, pourtant réputés pour le caractère social de leur modèle, appliquent des politiques économiques d’inspiration libérale.

 

L’État providence mis en place en France pendant l’après-guerre, et perpétré jusqu’à nos jours, apparaît de ce fait de plus en plus décalé au regard de l’évolution mondiale. C’est même devenu un sujet de sarcasme chez nos voisins anglo-saxons (''french bashing'') et un sujet d’interrogation, voire d’inquiétude, chez nos concitoyens. Est-il possible, sinon souhaitable, de maintenir notre modèle économique et social ? Faut-il essayer de l’améliorer ou bien en changer, c’est-à-dire imaginer un nouveau modèle ? Et, dans ce cas, vers quel modèle original pourrions-nous évoluer, sans renier nos valeurs ?

 

PERTE DE REPERES

 

La mutation que connaît actuellement notre société est insidieuse car elle se matérialise très différemment selon les territoires et les catégories sociales. Ainsi, sur un plan territorial, les grandes métropoles poursuivent leur développement et contrastent avec une France rurale, qui se désindustrialise et s’appauvrit. De même, les inégalités sociales tendent à se renforcer. En outre, le problème de fond, au-delà des difficultés de notre société, est que cette situation, où domine l’incohérence, permet difficilement d’établir un constat clair et partagé, entravant notre faculté à nous rassembler donc à enclencher le changement et les réformes.

 

D’autre part, la mondialisation et la financiarisation de l’économie, associée à une inflation réglementaire et normative, créent une complexité sans précédent ainsi qu’un fort degré d’incertitude, nous confinant dans une vision confuse de notre environnement.

 

Il y a enfin une contradiction de plus en plus flagrante entre des marchés mondialisés et notre État-nation ''providence'', semble-t-il souvent réduit à une forme d’impuissance économique. En tant que peuple, nous sommes néanmoins, indépendamment des orientations politiques, dans l’obligation de nous adapter à un monde en mutation rapide (''marche ou crève''). Mais au final, nous ne sommes plus poussés par des idéaux (liberté, justice…), mais par la seule nécessité de lutter pour maintenir tant soit peu notre rang.

 

BLOCAGES DE LA SOCIETE FRANCAISE

 

Notre pays éprouve, depuis maintenant une grosse dizaine d’années, de sérieuses difficultés à s’adapter, à évoluer. En voici, selon moi, les raisons, dont certaines sont relatives aux français et les autres, la plupart en fait, à notre système.

 

Les français me semblent en adéquation avec deux caractéristiques fortes : d’une part, leur caractère créatif, d’autre part, leur difficulté à parvenir à des consensus. C’est ici le second point qui m’intéresse. Ce trait de caractère serait le fruit de notre histoire, basée sur le culte du chef et une forte conflictualité. Au final, nous serions donc ramené à une difficulté à nous réunir autour d’un consensus, situation favorisant les affrontements claniques d’une part et les compromis mous d’autre part. Il faut d’ailleurs bien faire la différence entre consensus et compromis, le premier correspondant au plus grand dénominateur commun et le second, bien souvent, au plus petit. Les avancées de notre pays seraient ainsi davantage le fruit de compromis résultant de complexes jeux d’acteurs, que de larges consensus. En cela, ces compromis ne permettraient d’avancer que par petites touches, sans approche globale. Cela nous amènerait au final à considérer un premier point de vue : changer notre pays supposerait de nous changer nous-mêmes. « Vous devez être le changement que vous voulezvoir dans ce monde.  » (Gandhi).

 

Les raisons imputables à la nature de notre système sont, de mon point de vue, au nombre de cinq :

  • Tout d’abord, le poids des corporatismes, qui tend à paralyser toute réforme. Les corporatismes sont divers et imprègnent toute la société française. Ils sont notamment présents dans les professions réglementées, les fédérations patronales, les syndicats de salariés, les entreprises et les fonctions publiques, etc. Le principe est qu’une corporation défend une rente, souvent chèrement acquise. Je reviendrai sur ce point ultérieurement.

  • Ensuite, la forte centralisation de nos institutions. Il apparaît de plus en plus difficile de mener, dans un souci de cohérence et d’efficacité, une même politique économique et sociale dans les différentes régions de notre pays, compte-tenu de réalités de terrain mais aussi de sensibilités différentes. Ne serait-il pas judicieux de fixer les grandes lignes de façon consensuelle au niveau national, puis de renvoyer la mise en œuvre, et pour partie la production réglementaire, au niveau local ? Il pourrait en être de même concernant le fonctionnement de certaines administrations, privilégiant l’adaptation locale à l’uniformisation nationale. L’aspiration de la Bretagne à jouir d’une plus grande autonomie s’est d’ailleurs manifestée, à tort ou à raison, en novembre dernier.

  • En troisième lieu, le mille-feuilles territorial. Le nombre et l’imbrication de nos collectivités locales (régions, départements, pays, intercommunalités, communautés d’agglomération, communes…) ne sont-ils pas des freins au changement ? Notre pays compte 36 000 communes, contre 8500 en Allemagne et 545 en Grande Bretagne.

  • En quatrième lieu, la multiplicité des opérateurs publics dans des domaines divers et variés (Agence Régionale de Santé, Pôle Emploi, Autorité des Marchés Financiers…) ne conduit-elle pas à une forme d’inertie ? Fin 2012, l’Inspection Générale des Finances recensait une myriade de 560 agences de l’État “créés de façon ponctuelle et sans cohérence d’ensemble” (dixit l’Inspection Générale des Finances), auxquels s’ajoutent de nombreux établissements publics et associations portant le nombre total d’opérateurs à 1244.

  • Enfin, la nature de nos institutions et le clivage droite-gauche. Nos institutions sont basées sur le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, favorisant, à la différence d’un scrutin proportionnel, stabilité d’une part mais logiques partisanes et bipolarisation de la vie politique d’autre part. Ce type de fonctionnement n’aurait-il pas l’inconvénient majeur de conduire à une certaine forme d’immobilisme, voire de sclérose ?

 

Je souhaiterais enfin développer ''la théorie des rentes''. Il s’agit d’une approche personnelle, basée sur un raisonnement purement empirique, qui contribue à expliquer la difficulté de notre pays à s’adapter. La notion de rentier n’est pas ici péjorative, mais traduit une situation économique et sociale.

 

Le principe en est que, dans tout système, il existe une proportion de rentiers, c’est-à-dire d’acteurs économiques tirant une rente plus ou moins grande du système. Dans un environnement ouvert où les individus aspirent à l’équité, le système devient instable dès lors que la proportion de non-rentiers, que je qualifierai de masse laborieuse, excède largement la proportion de rentiers, et ce d’autant plus si les seconds jouissent de rentes importantes (beaucoup de non-rentiers d’une part, peu de ''gros'' rentiers jouissant de bénéfices importants d’autre part). Inversement, le système se stabilise dès lors que la proportion de rentiers égalise, voire se trouve ponctuellement supérieure, à celle représentée par la masse laborieuse (beaucoup de ''petits'' rentiers jouissant de bénéfices réduits). Cette situation ne peut en revanche durer car elle conduit nécessairement à un épuisement des facteurs de production, s’agissant tant du facteur travail (en l’occurrence le travail de la masse laborieuse, qui ne tire guère avantage du système) que du facteur capital (qui finit à terme par être dilapidé, faute de création suffisante de richesses).

 

Ainsi, la révolution de 1789 se produit dans une société où le besoin d’équité s’est fait jour, alors qu’une fraction très réduite de la population (la noblesse et le clergé en l’occurrence) concentre une part confiscatoire des richesses. Ce grand déséquilibre provoque une rupture très brutale, au terme d’un processus politique, économique et social d’une quinzaine d’années environ.

 

La situation actuelle de la France est très différente de celle de 1789, car une proportion importante de français, probablement une majorité, tire une rente substantielle du système (ménages aisés, propriétaires fonciers, bénéficiaires de niches fiscales, professions réglementées, activités économiques financées par de l’argent public sinon issu du paritarisme, activités économiques bénéficiant d’un écosystème favorable en raison d’un lobbying intense…). Le rapport de force entre les rentiers et les non-rentiers pourrait néanmoins s’inverser en faveur des seconds en raison de difficultés économiques et sociales accrues, permettant ainsi d’opérer un mouvement de bascule. Le système, devenu instable, provoquerait alors une inévitable mutation du pays, d’autant plus radicale que la vitesse de bascule serait grande.

 

La question des rentes nous amène également à considérer l’idée suivante : il nous faut accepter de perdre certains acquis catégoriels au profit de l’intérêt général. De même, il nous faut accepter l’idée de prendre des risques, car changement et prise de risque sont corrélés : si tout changement important suppose une large prise de risque, toute prise de risque minimaliste ne peut conduire qu’à un changement de faible envergure.

 

VERS DE GRANDES REFORMES ?

 

Est-on capable de réformer ou devons passer par un changement incrémental se traduisant par une longue série de micro-ajustements ?

 

Réformer signifie former de nouveau. Est-ce améliorer l’ancien ou bien l’abandonner pour créer quelque-chose de neuf ? Schumpeter (économiste de la première moitié du XXème siècle) avait compris que l’innovation et le progrès technique engendrent inévitablement un processus de ''destruction créatrice'' : destruction d’anciennes structures et activités devenues obsolètes dans un premier temps, puis création de nouvelles structures et activités dans un second temps. Nous semblons, en France, souvent plus enclin à protéger les premières qu’à encourager les secondes.

 

Mais quelles grandes réformes engager ? Les points précédents nous conduisent à échafauder cinq réformes structurelles ''mères'' :

  • Une vaste remise à plat des statuts professionnels (professions réglementées, entreprises et fonctions publiques, etc.) ainsi que du paritarisme,

  • Accélérer fortement la décentralisation tout en simplifiant l’organisation territoriale (réduction du nombre d’échelons, clarification des missions),

  • Redéfinir le rôle de l’État, son périmètre d’action ainsi que son fonctionnement (sans nécessairement renier le principe d’un État présent dans de nombreux domaines) puis réorganiser ses opérateurs,

  • La rénovation de nos institutions, en vue de faire progresser la démocratie et favoriser les coalitions droite-gauche, sans non plus prendre le risque de sombrer dans l’instabilité, comme cela a pu être reproché à la 4ème République,

  • Enfin, s’engager hardiment dans l’intégration européenne en accélérant la convergence fiscale et sociale et en acceptant l’idée de perdre partiellement notre souveraineté budgétaire.

 

Pourquoi est-il si difficile de réformer ? La raison est triple :

  • La première réside dans la complexité de la chose. Détruire puis créer est plus difficile que de ''rafistoler''.

  • La seconde, qui est peut-être la plus problématique, réside dans le fait que toute réforme profonde modifie nécessairement la position de chaque acteur ainsi que les rapports de forces en présence, faisant gagnants et perdants. Elle est donc fortement génératrice de résistances au changement : freins cognitifs, freins psychologiques, freins organisationnels, freins sociaux, freins de toute sorte… Les perdants sont généralement les rentiers du système. Nous voilà une fois de plus ramené à la ''théorie des rentes''…

  • La dernière réside dans le fait qu’une réforme structurelle profonde a généralement, sur le court terme, un impact négatif sur la croissance et l’emploi, bien qu’elle engendre, dans un second temps, un rebond qui se traduira par un bénéfice à moyen terme (cf Schumpeter).

 

La raison de fond expliquant la difficulté d’une réforme tiendrait donc à sa complexité, aux résistances au changement qu’elle suscite et enfin aux sacrifices immédiats qu’elle nécessite.

 

Cependant, si tant est qu’il soit techniquement et humainement possible de conduire de vastes réformes en France, est-il de possible de le faire sans esquisser une vision d’ensemble, reposant sur la définition d’un modèle économique et social ainsi que la réaffirmation, voire la modernisation, des valeurs de la République ? Ne doit-on pas au final davantage transformer la France davantage que la réformer.

 

 

 

CONCLUSION

 

Les blocages vu précédemment, tout particulièrement les corporatismes, nous amènent à considérer la nécessité d’établir un projet collectif à long terme, nous permettant de nous affranchir de nos résistances.

 

On peut distinguer, en Europe, trois grands modèles :

  • le modèle ''libéral'', incarné par la Grande Bretagne,

  • le modèle ''productif'', incarné par l’Allemagne,

  • le modèle ''solidaire'', incarné par les pays scandinaves. Ce dernier repose sur une forte cohésion nationale et un niveau de dépenses publiques élevées. Je rappelle toutefois que les pays scandinaves ont adopté une politique économique de type libéral, évitant soigneusement les interférences de l’État dans l’économie.

 

Comment redéfinir le modèle économique et social français et réaliser les nécessaires gains de productivité dont nous avons tant besoin, tant dans le secteur marchand que dans le secteur public ? Sans doute devons-nous abandonner notre vieille doctrine keynésienne, reposant sur une économie de la demande. Mais, fondamentalement, bien répondre à cette question nécessite de réaffirmer et réactualiser les trois valeurs fondatrices de la République que sont la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Je ne rentrerai pas ici dans ce débat passionnant mais qui mériterait une, sinon, plusieurs planches. Je me bornerai simplement à proposer trois valeurs complémentaires en rapport avec mon propos.

 

Première valeur : Responsabilité. Il me semble que nous pourrions acter le principe de la responsabilité individuelle et collective, tant nécessaire à la cohésion et au bon fonctionnement de notre nation.

 

Seconde valeur : Innovation. Rien ne semble plus indispensable à la réussite de nos entreprises et administrations que l’innovation. Sortir de la compétition internationale par le haut, c’est-à-dire en actionnant le levier ''compétitivité / innovation'', davantage que le levier ''compétitivité / coût''.

 

Troisième et dernière valeur : Éducation. Les trois premières valeurs reposent nécessairement sur un niveau d’éducation élevé et un système éducatif équitable, permettant au plus grand nombre de bénéficier de l’ascenseur social.

 

Ces nouvelles valeurs pourraient nous ramener à un modèle économique et social non pas radicalement différent, mais résolument moderne :

  • un modèle basé sur la recherche et la mise en œuvre sans concession d’innovations de toutes natures dans le plus grand nombre de domaines d’application possibles,

  • un modèle basé sur l’excellence de l’enseignement primaire et secondaire, de nos universités et de nos grandes écoles.

 

Peut-être pourrons-nous un jour associer la France à ce modèle, que nous pourrions qualifier de modèle ''qualitatif''.

 

Ne serait-il pas souhaitable d’actualiser nos valeurs et notre modèle pour engager les réformes nécessaires ? En tant que francs-maçons, ne devrions-nous pas conduire cette réflexion et la porter sur la place publique, de sorte à initier et accompagner le changement ?

 

J’ai dit.

 

Révolution-Française

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23 janvier 2014 4 23 /01 /janvier /2014 20:00

 

Le thème de ma modeste planche est « la solitude dans notre société hyper communicante » ou encore comment expliquer le paradoxe d'une société de l'hypercommunication, qui nous abreuve de messages d'informations mais où le mode de communication virtuel prend le pas sur les échanges intimes…..

Si des expériences mystiques et religieuses ne cessent d’en faire l’éloge dans la société qui est la nôtre aujourd’hui, la solitude apparaît aux yeux de tous comme l’un des plus grands maux : une honte, un désespoir…. C’est sans doute l’une des plus grandes angoisses de notre culture postmoderne.

Je ne suis pas une solitaire, j’ai toujours aimé et désiré être entouré de belles et profondes amitiés. Mais par les épreuves qui ont jalonnées ces deux dernières années de ma vie et les choix qui en ont découlé, j’ai subi la solitude. J’avais peur d’elle, une terrible peur, puis avec le temps, j’ai appris à me familiariser avec elle, et elle est devenue une alliée, un lieu de ressourcement. Oui je l’ai autant détesté que je l’apprécie aujourd’hui.

Je vais vous livrer ce soir certaines de mes réflexions qui sont le fruit de cette année passée, année d’exil et de Franc-Maçonnerie, année de découvertes, de sensations et d’émotions vraies….Je vais donc partager avec vous ce que ma solitude, un temps qui m’est imposé, m’a permis de comprendre...

 

Dans le monde profane :


Depuis l’aube des temps, les hommes éprouvent le besoin de vivre en groupe. Depuis des millénaires, ce regroupement avait un seul but, celui d’assurer la survie de l’espèce, l’instinct de reproduction, dans un environnement qui était hostile. Depuis, l’organisation sociale a été basée sur le groupe.


Nous vivons dans une société qui ne nous apprend pas à être ou vivre seul. Au contraire, durant toute notre éducation, qu’elle ait été dispensée par notre famille ou l’école, cette dernière visait à n’être jamais seul : On oblige l’enfant à jouer avec ses camarades, à faire partie d’une équipe ou d’une bande, à communiquer, à s’intégrer. Lorsqu’il grandit, ses parents et ses professeurs s’inquiètent s’il demeure seul ou s’il préfère la compagnie des livres, des animaux à celle des humains. On qualifie cette attitude d’insociabilité et l’on s’en inquiète…

Alors on nous pousse à être dépendants des autres. On appelle cela l’esprit de famille, la camaraderie, ou le sens de la communauté. Tout semble programmé pour distraire ou rompre les rares moments de solitude.

Mais lorsque que nous devenons plus grands ou adultes nous affrontons inévitablement des épreuves comme des deuils, des ruptures sentimentales, ou tout simplement une perte d’emploi ou une mise à la retraite, et là on a peur, on perd pied : on se retrouve face à cette solitude contrainte que j’évoquais au tout début, et l’on est désemparé…

Guy de Maupassant écrivait : «Notre grand tourment dans l’existence vient de ce que nous sommes éternellement seuls et tous nos efforts, tous nos actes ne tendent qu’à fuir cette solitude ».

Mais qu’est-ce que la solitude ? Si l’on s’en tient à la définition du dictionnaire : " la solitude est la situation d'une personne qui est seule, de façon momentanée ou durable".
Mais je pense que ce n’est pas aussi simple, car il y a plusieurs types de solitude, selon déjà le vécu de l'individu par rapport à ce qui provoque son sentiment d’isolement.

Je commencerai par la situation peut-être la plus familière qui serait la solitude par rapport à l'environnementet se caractérise par l’éloignement des lieux habités. Il peut s’agir par exemple d’un isolement choisit ou imposé comme pour toute personne dont l’activité nécessite sa présence dans des lieux peu fréquenté… le berger en montagne est isolé, mais n’éprouvent pas forcément, ni constamment, une impression de solitude.

Ensuite il y a la solitude par rapport « aux autres »… par rapport à la société.
Je peux évoquer la situation de l’ermite, celui qui a choisi cette vie érémitique ou monacale. Il s’agit là d’un isolement volontaire, où le but est de se retrouver avec soi-même et de faciliter ainsi, une introspection ou toutes prises de recul pour lesquelles une retraite momentanée est profitable. Cette solitude là n’a rien de négatif, cela pourrait même s’apparenter à un goût irrésistible de liberté qui s’éprend de beaucoup d’entre nous. Aujourd’hui outre les retraites dans des monastères, on pourrait citer toutes ces courses autour du monde à pied en vélo en bateau, la vie à la campagne, ou encore les innombrables expériences de l’homme qui le poussent à conquérir des espaces en solitaire….. Nous serions donc aujourd’hui en quête de sérénité, d’une solitude apaisante au milieu d’une société tumultueuse, comme nous mêmes ici en ce moment, dans ce Temple, nous sommes seuls avec nous même à écouter et à prendre la parole avec parcimonie…


Toujours en rapport aux autres mais moins positif, est le choix de celui qui refuse de vivre au sein de la société telle qu’il la ressent
(une fois bien sure écartées les phobies sociales et autres timidités excessives qui demandent d’être accompagné)." Les autres " ne correspondent pas à son idéal et il préfère s’en tenir éloigné pour ne pas être pollué. Dans ce cas, la réaction de la société est beaucoup moins positive, il passe pour un sauvage pourtant le véritable solitaire est celui qui est en paix avec lui-même, mais ce n’est pas celui qui n’aime pas les autres, c’est celui qui apprécie certains autres. Le véritable solitaire a le sens de l’amitié, il sait qu’il a beaucoup à apprendre des autres. Le véritable solitaire est un homme libre, libre de toute attache et de tout dogme.
Puis il y a la solitude à mon sens la plus douloureuse c’est celle qui est involontaire, ou l’on se sent ignoré, rejeté. C’est la solitude des marginaux et des exclus, de ceux qui ne trouvent pas leur place dans la société, dont le retrait les mène jusqu’à la rue, en situation de S.D.F. ou encore de clochard. Cela peut être, aussi et souvent, celle des adolescents qui n’ont plus le statut d’enfant, mais qui ne se reconnaissent pas dans les schémas qui leur sont proposés par nos structures sociales. Si les premiers ont souvent des réactions plus ou moins passives les derniers sont souvent plus violents vis à vis d’un système qui impose des clichés qui ne correspondent pas aux projets qu’ils se sont construits, associés aux difficultés d’intégration dans le milieu du travail, cela serait peut-être aussi une des raisons pour laquelle les jeunes restent beaucoup plus longtemps dans le cocon familial….

J’ajouterais également la solitude par la différence…

L’homme vante l'originalité, s'extasie devant les beautés singulières que la nature engendre mais rejette la singularité de l'être. A toutes les époques les différences ont été gommées. Naître différent, grandir différent c'est vivre en paria, visible ou caché. C'est parce que la différence marque si profondément, dans sa dureté et sa solitude, que le regard de l'autre peut prendre tant d'importance et devenir si intolérable. La différence comme une marque de fabrique, comme une tache indélébile, avec l'infinie solitude qu'elle engendre, parce que l'humain déteste voir ce qui sort du commun.

Les timides, les personnes ayant un physique particulier, les êtres qui ne veulent pas obéir aux codes de masses, ont plus de difficultés pour s’imposer et sont souvent laissé de coté.

Il y a aussi des moments de la vie, marqués par la douleur et la fragilité, dans lesquels on est plus vulnérable à la solitude, l’isolement, la précarité : autant de maux auxquels les personnes en situation de maladie ou de handicap sont exposées de plein fouet.

Le regard des autres et l’incompréhension ne sont hélas pas non plus étrangers à ce phénomène grandissant dans notre société…

Par exemple dans la maladie et dans le handicap.

La solitude du malade peut être physique, sociale, affective et aussi spirituelle. Le malade se sent trahi par son propre corps, mis à l’écart par les autres et parfois même selon ses propres convictions abandonné par Dieu. Le malade est une personne seule pour affronter l’angoisse de sa maladie, la douleur est sienne, même lorsqu’il y a quelqu’un qui lui propose la présence et le partage. Même s’il perçoit que les autres peuvent souffrir avec lui, mais pas pour lui, il « doit assumer dans la solitude la responsabilité de vivre le présent d’une manière digne et de décider de son avenir ». Parfois il s’isole physiquement ou psychologiquement, et il se laisse aller. La solitude est souvent aggravée par le manque de vérité, une « eu-thanasie » anticipée, une mort lente mais non douce sur le plan communicatif. Le résultat est l’isolement affectif et une solitude imposée, difficile à accepter.



Une solitude également pénible est la solitude vis à vis de soi-même. On se retrouve face à soi-même. C'est ce face à face, où plus personne n'existe, qui est terrible.
Des événements comme la rupture, le divorce, le décès d'un être aimé, l’éloignement obligé peuvent nous faire sombrer dans la solitude la plus totale. Nous subissons, la remise en cause totale et définitive des projets que nous avions élaborés pour la suite de notre vie.
On se sent tellement seul, au moment d’un choix, pour lequel rien ni personne ne viennent conforter LA bonne décision. On est absolument seul, au moment d’un choix important qu'il soit volontaire ou contraint, car on le sait bien un choix est toujours un sacrifice. La solitude devient une véritable prison de l’âme quand on ne peut partager ne fusse qu’une pensée, une émotion…


De plus en plus de personnes sont touchés par l'isolement, pourtant, ne sommes nous pas dans une époque d’hyper communication ????….

C’est un véritable paradoxe, le sentiment de solitude est en hausse avec de nouvelles formes. Aujourd’hui les grandes villes comme la campagne sont touchées, ce fléau frappe toute classe sociale et tranche d’âge confondus et s'aggrave avec la précarité de l'emploi et la faiblesse des revenus. En cause, des liens familiaux distendus et des relations professionnelles difficiles, combinés à une explosion de la technologie en termes de communication.

La solitude gagne du terrain et dessine de nouveaux contours sur des motifs d’isolement au cœur même d’une société hyper communicante.

Quelle photographie de notre société, société de consommation, où je consomme, consomme, consomme, tout et rien.


Les raisons sont complexes et outre l’augmentation des familles mono parentales, le chômage, la vieillesse, le handicap… nous voyons arriver de nouvelles formes de solitudes particulières, liées à  notre époque. C’est comme si le rapport particulier à l’autre était devenu encombrant ! Comme si la contrainte que représente la rencontre était devenue supérieure au plaisir qu’elle procure, avec à la clé une culture de l’illusion du lien, le plus souvent à distance entretenu par les réseaux sociaux.

Alors dans ce contexte où en est ma solitude par rapport « aux autres »… explicité au début de mon travail…. Elle se transformerait en  une foule de solitaires… ???
Transports en communs bondés, café du matin plein à craquer, circulation difficile… Nous sommes mêlés à la foule, et pourtant chacun est renvoyé à sa solitude. Nous préférons nous enfermer dans un journal, entre deux oreillettes du baladeur numérique, ou rester rivé à notre mobile à papoter (le plus souvent pour ne rien dire) via SMS… en lien c’est sûr, mais avec des gens qui sont loin, et nous restons en revanche coupés de ceux qui sont proches !!!! Aucune convivialité…. Où est l’espace ouvert pour un échange convivial sans pour autant parler forcément de grandes implications ?


Mais j’en reviens aux réseaux sociaux, paradoxe encore de cette époque hyper communicante où sms, mail, chat, Facebook, et autre Twitter ont modifié en profondeur nos capacités à créer du lien. Bien calé dans nos fauteuils, nous privilégions des relations virtuelles avec le plus grand nombre, aux échanges intimes. « Une illusion de non-solitude ». Tout comme cet engouement que rencontre les sites comme « Copains d’avant » où certains passent des heures à rechercher tel ami d’enfance et qui ne proposent pas même un apéro avec un collègue, bien présent lui pourtant. Nous sommes devenus plus habiles à lier des relations à distance qu’à en nouer de  bien réelles !

La société numérique repose sur ce triomphe technologique, avec, côté logiciel, ses algorithmes et ses protocoles de programmation; et, côté hardware, toute la physique et la chimie appliquées que cela requiert pour fonctionner, circuler, exister, communiquer, bref : exister ….. Et là, les réseaux sociaux se sont développés dans ce monde où « le temps c’est de l’argent », ce monde où nous avons une telle pression afin d’achever tellement de choses, que notre vie sociale s’amenuise et devient de plus en plus exigeante. Alors voilà la technologie, plus simple, pleine d’espoir, impérissable…… nous devenons accro à cette ballade virtuelle, déguisé par les réseaux sociaux qui nous fournissent d’impressionnantes plate-formes nous permettantde gérer notre vie social plus efficacement. Cependant la fantaisie de cette substitution nous prend au piège : nous collectionnons les amis comme des timbres, en mélangeant trop facilement quantité et qualité, en oubliant le sens premier de l’intimité et de l’amitié, nous échangeons des photos et des conversations virtuelles. En faisant cela, nous sacrifions les conversations au profit de fausses connections, et cela devient très paradoxal, nous pensons avoir des amis alors que nous sommes seuls.

Alors en quoi est-ce un problème d’avoir une conversation ? Ça prend du temps ? On ne peut pas contrôler ce que l’on dit ?… Il est vrai que les SMS, les mails, toutes ces choses nous présentent exactement comme nous le souhaitons, nous pouvons effacer ; Nous sommes obsédés par notre propre publicité, passant des heures en ligne à construire notre profil, à optimiser un message avec les bons mots à la bonne place, à choisir les photos où l’on apparaît au mieux, tout ceci dans le but de construire une image attractive de notre personnalité….. Au lieu de créer de vraies amitiés. Nous attendons toujours plus de la technologie et moins des autres, les réseaux sociaux ne modifient pas seulement ce que nous faisons, mais aussi qui nous sommes. Et c’est parce que cette technologie fait appel à ce besoin de plaire aux autres, qui nous rend vulnérable et nous sommes vulnérables… nous sommes seuls mais nous avons peur de l’intimité, alors que les réseaux sociaux nous offrent la possibilité d’attirer l’attention sur les choses que nous choisissons, et sur le fait que nous ne serons jamais seuls…, cela constitue une nouvelle façon d’être qui serait : « je partage donc je suis » nous utilisons la technologie pour nous définir en partageant nos pensées et nos sentiments au moment où nous les ressentons. Tout d’abord, nous simulons des expériences pour avoir quelque chose à partager, pour se sentir vivant, nous nous obstinons à penser qu’être connecté en permanence nous fera nous sentir moins seuls…


Il est vrai que notre société reste centrée autour de valeurs à la hausse… et oui nous montrer vulnérable n’est pas toujours acceptable. À ce titre l’univers professionnel se montre impitoyable ! Outre le fait que « le collègue devient facilement un rival », la généralisation des open spaces n'a pas amélioré la donne. Comble de l'ironie, c'est dans ces espaces ouverts censés inviter à l'échange qu'il ne faut surtout pas parler pour ne pas gêner et de fait nous communiquons par l'Intranet et par messages allant à l'essentiel. Le temps des discussions, des débats est révolu…. Nous n’avons quasiment pas de relations sociales avec nos collègues mis à part un « bonjour »  rapide et des reporting de réunions, alors même devant la machine à café, il est difficile d’évoquer un problème familial, un manque de sommeil, le licenciement d’un compagnon, quand ce n’est pas une rupture…. Alors nous affichons un sourire frileux masquant une humeur bien sombre. De fait il est évidant que demander un service comme du soutien n’est pas si simple…

N’y aurait-il donc pas La mauvaise et La bonne solitude?

Le proverbe « Mieux vaut être seul que mal accompagné » est bien loin d’être suivi et le monde moderne, empli de technologies et vide de chaleur humaine, nous pousse plutôt à rechercher un nid de tendresse ou l’appui d’un groupe. « Tout plutôt que d’être seul » serait donc la devise actuelle ???

La mauvaise solitude est source d’ennui, d’insatisfaction voire d’anxiété, et s’accompagne d’un sentiment d’isolement. On la reconnaît à un besoin parfois compulsif de créer du lien souvent de façon superficielle pour combler ce vide.
Se sentir seule est un véritable fléau disais-je tout à l’heure…. Mais pas forcément, il existe la bonne solitude… « Une bonne solitude est celle où l’on ne s’ennuie pas ». Enfin seul, et tranquille, on est libre alors de se livrer à des occupations qui nous tiennent à cœur, comme de ne rien faire. En bonne compagnie avec soi-même, la solitude n’est plus pesante, et le besoin d’y échapper par de multiples distractions ne domine pas. « Les personnes qui apprécient la solitude sont capables de rentrer en elle-même sans réduire le lien à l’autre. Elles savent en sortir pour accepter un resto, un ciné, ou répondre au SOS d’un ami….

Je pense que oui la vie est relation, vivre c’est être relié, c’est un fait absolument incontournable : nul ne peut vivre hors de toute relation, mais à la seule condition d’être d’abord relié à soi-même, de vivre en relation avec soi même.

C’est en créant une véritable rencontre avec soi dans la solitude que l’on développe sa capacité à nouer des relations authentiques…..
Mais à notre décharge sans doute, notre époque ne nous facilite pas la tâche.  L’accès permanent à la distraction nous coupe de cette bonne solitude. Qui n’a jamais mis la radio, ou la télé toute la journée pour se donner l’illusion de ne pas être seul.

Nous devrions apprendre à nos enfants à s’ennuyer au lieu de les sur-solliciter en permanence, les empêchant ainsi de se confronter à une forme de solitude, fort utile pour une rencontre avec eux-mêmes. Pour lever ou tout du moins faciliter l’appréhension des obstacles en tant qu’adulte…… il faudrait mener une réflexion personnelle : pourquoi suis-je en train de communiquer par Facebook, après avoir refusé la crémaillère de mon voisin ? Quels efforts je fais pour être avec les autres ????

Alors ….. me direz-vous ?
Cet inventaire est loin d’être exhaustif, mais il nous montre que, s’il n’y pas une, mais des solitudes, il n’y a pas, non plus, de solution unique, susceptible de les traiter toutes.
D’ailleurs, existe-t-il une solution ? Nous pouvons en douter…. Même si « La solitude, ça n'existe pas », comme le dit la chanson de Gilbert Bécaud, c’est pourtant « un sentiment » auquel nous nous efforçons tous d’échapper en meublant nos craintes des vides physiques, mentaux ou émotionnels.


Dans le sacré :

 

Tous ici que nous sommes, nous avons vécu l’initiation maçonnique, parcours tout d’abord solitaire, lors du recueillement dans le Cabinet de Réflexion. Cette solitude est une invitation à la découverte de soi-même, à la découverte de cet être qui n’est pas seulement un produit de la société, de la famille, de l’histoire mais un être singulier et particulier : moi, nous.

 

Le précepte inscrit au fronton du Temple de Delphes consacré à Apollon, « Connais toi toi-même, et tu connaîtras l’univers et les Dieux », prend, dans ce thème de la solitude, toute son ampleur, précepte dont on oublie toujours la suite : « Tu sauras, tu expérimenteras que tout est en toi, que tu es immense, que tu héberges l’univers, que le divin est ta véritable nature. Au non de quoi tu te découvriras véritablement Libre et non pas supérieur ou inférieur aux autres ».

L'injonction reprise par Socrate était justifiée (en son temps) car pour tout événement heureux ou malheureux, un dieu en était responsable ; la mythologie régnait. Les hommes oubliaient de se mettre en cause.

Cette incitation à s'interroger sur soi-même ne s'impose pas moins aux temps modernes. Les fanatismes religieux persistent, et de plus nos esprits sont tellement accaparés par la Science, par la Technologie que nous en négligeons la réflexion sur la condition humaine.

Bien entendu, si les hommes se connaissaient, il ne serait pas nécessaire de leur recommander de se connaître et s'il était facile de se connaître, le message d'Apollon ne serait pas devenu celui de Socrate. Il ne suffit pas de se regarder pour se voir. L'inscription du temple de Delphes doit sa signification philosophique à la notion qui distingue en elle « être » et « paraître » ou plutôt « être » et « se paraître ». Se connaître n'a jamais voulu dire: se voir tel que l'on se paraît être. C’est une invitation à chercher ce qui cache l'homme à lui-même pour l'amener à se connaître tel qu'il est. J’y ajouterai également notre nécessité “d’être reconnu pour tel”. C’est plus qu’une nécessité, c’est un besoin vital. De nos jours si un individu n’est pas reconnu par sa société, ses proches, sa famille, son entourage social et professionnel, il est comme un paria mis à l’ écart et de ce fait rejeté totalement de la société. Ainsi si je veux vivre « heureux », accepté et “reconnu pour tel”, je dois impérativement dépendre des autres et surtout dépendre du regard qu’ils auront sur moi.

J’en reviens au précepte dont Socrate ne retint que « connais-toi toi-même », il nous enseigne à bâtir notre solitude comme à tailler notre Pierre. La Solitude est une épreuve sur la voie initiatique que nous avons empruntée. La Solitude est donc un départ, un voyage qui ne finit pas, une épreuve que l’on aborde différemment, qui nous permet d’acquérir des qualités et des vertus telles que le courage, la patience, la force, l’endurance, la persévérance, la bienveillance et l’humilité.

Chaque instant de solitude qui s’offre à nous doit être vécu comme un nouvel apprentissage de la vie, dans ses limites comme dans ses moments de grande plénitude. Même si notre besoin de l’autre est très grand, il ne peut remplir notre vide et nous apporter la sécurité que nous recherchons.

Sartre écrivait en 1964 « L'enfer c'est les autres » mais a-t-on bien compris ? Est-ce nos rapports avec les autres qui sont toujours empoisonnés, tordus ou viciés ? Ou alors tout autre chose comme l‘impact de leurs regards sur nous, leur jugement hâtif sur nous même…. C'est à travers eux et nos réactions que nous apprenons à découvrir vraiment notre personnalité, pour ensuite cibler nos lacunes et réaliser un travail sur nous-mêmes.

L'enfer, ce n'est pas les autres, c'est le fait de se sentir SEUL, exclu, jugé ou ridiculisé par ceux-ci.

Victor Hugo, lui, a écrit que l’enfer est tout entier dans le mot SOLITUDE…. mais il a également écrit cette autre citation : « La SOLITUDE, est bonne aux grands esprits et mauvaise aux petits. Elle trouble les cerveaux qu’elles n’illuminent pas !» Il y aurait donc une solitude utile, comme il existe un silence propice au progrès. Me voici donc plus éclairée sur les efforts imposés à l’apprenti.

L’apprenti, par le silence imposé ne communiquera qu’avec lui… La prise de parole le détournerait de sa première mission : se connaître avant tout... Le silence intérieur c'est s'écouter vivre, se connaître, s'analyser; c'est le « connais-toi toi-même », on y revient donc… mais ce silence n'est pas solitude, il n’est pas vécu, en solitaire. C'est un silence partagé avec tous ses frères et sœurs. Nous éprouvons des ressentis, des idées, apprenons à gérer nos émotions et nôtre système de valeurs. Nous profitons de ce silence imposé, pour apprendre à dominer les mots par la pensée, c’est un moment intense de la recherche de notre soi et de notre propre rapport à l’existence. Cette période d’apprentissage consistant à écouter les autres est de fait un réel travail offert à l'Apprenti.

La solitude est pesante d’accord, mais si l’on n’est pas résigné et que l’on fait appel à notre courage elle peut se faire pensante….. Et en est moins pénible, voir appréciée et appréciable.

A mon sens le Franc-maçon doit être en relation avec les autres, il ne peut pas se contenter d’un travail purement théorique,  et doit porter au dehors l’œuvre commencée ici même.Il doitpartager les fruits de son travail. Si le Franc-maçon progresse d’abord individuellement, il n’est pas un ermite. Il n’évolue pas dans la solitude, mais au milieu des autres, avec les autres, par la communication, la tolérance, l’écoute…. En recherchant ce qui unit plutôt que ce qui sépare.

 

En conclusion

Je dirais que la solitude a deux côtés : Contrainte, elle étrangle, abat et décourage, Volontaire, elle fait grandir et purifie …..La solitude n’est pas une fatalité. Très souvent, les individus se comportent vis-à-vis d’elle de manière passive. Ils se plaignent que l'on n'aille pas vers eux mais ils ne vont pas vers les autres, attitude qui pourrait peut-être inverser la tendance… Des moyens existent aujourd’hui, de nombreuses initiatives émergent, entre les fêtes des voisins, les cafés thématiques, les jardins partagés ou les associations de colocation, comme autant d’opportunités à vivre « tous ensemble » mais plus que de la solitude ce sont des moyens de sortir de l’isolement…. Parce que, malgré ceux qui nous aiment et nous entourent, on est seul dans la vie, seul devant la souffrance, seul devant la maladie, seul devant la mort, simplement parce que nous sommes seuls à savoir vraiment ce que nous ressentons et ce que nous sommes vraiment.

La solitude n’est pas qu’une situation mais c’est surtout un sentiment, une émotion. C’est un sentiment qu’on n’éprouve pas seulement quand on est seul, il peut nous gagner alors qu’on est en plein milieu d’une foule.La solitude, comme l’amour, la peur et autres sentiments difficiles à faire partager, sont au fond de nous et conditionnent notre comportement social. Sa prévention n’est donc pas purement dans notre organisation, dans notre société, mais dans notre attitude.

Tant que l’on refusera d’accepter une certaine solitude, en la dissimulant par des divertissements, ou autre subterfuges sous prétexte d’inadaptation sociale, nous en aurons toujours peur…. Peur de ce qu’elle représente, peur de la perte, peur de mourir car la solitude, nous renvoie à la plus grande peur de l’homme : la Mort.

C’est toute l’approche de la solitude et la manière de la vivre quand elle se présente, imposée ou choisie, qu’il convient d’appréhender, d’accueillir, pour découvrir son autre soi et mieux aller à la rencontre de l’autre.

Cette année de Franc-Maçonnerie à eu une résonance toute particulière pour moi, car elle s’est conjuguée avec une fuite personnelle loin des miens, vers une terre inconnue, un nouveau job et une solitude subie comme une évidence…Je me suis souvent sentie seule, terriblement seule …. Mais aujourd’hui je perçois l’importance de me ressourcer avec moi-même afin de remettre de l’ordre dans les événements passés et préparer les étapes suivantes…. et si, encore aujourd’hui, il m’arrive de me sentir seule, c’est que je ne m’ennuie que d’un manque de stimuli et de sollicitations extérieures.

Alors j’ai envie de dire que Lasolitude, c’est de s’ennuyer en sa propre compagnie…  Et sinous ne sommes pas capable d’être seuls, nous ne connaîtrons que … la solitude.

J’ai dit…

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9 janvier 2014 4 09 /01 /janvier /2014 21:00

 

Que signifie dans notre environnement de société postmoderne actuelle « le sacré et son espace » ?

Comme je l’ai entendu dire par un frère, un ami, dans un travail ayant pour sujet la tradition : « Il arrive souvent que la fréquence d’emploi de certains mots est inversement proportionnelle à la clarté de leur contenu ».

 

On ne peut plus clairement s’interroger sur : comment aborder le sujet.

 

C’est précisément cette difficulté d’approche qui en aiguisant ma curiosité, m’a ensuite fait regretter d’avoir choisi un sujet dont la problématique se confronte autant aux différents courants de la pensée spirituelle et de la réflexion humaine.

 

Ainsi que ne le dit pas le titre, le champ de mon travail s’est attaché en premier lieu aux mots et au vocabulaire.

 

Le mot « espace » est d’une définition abordable, car il fait appel à une notion certes généraliste, mais d’usage actuel et moderne dans ses différentes acceptions.

 

De son origine latine « spatium » il en a hérité les définitions les plus variées, dimension ou domaine, avec ou sans limite, abstraite, physique, géométrique, onirique, relationnelle, sociale, et bien entendu spirituelle.

 

Le mot « sacré » est le plus souvent relatif au besoin que développe l’être humain à donner un prolongement et une dimension à sa croyance religieuse.

 

Aussi lointaines que puissent être nos racines, la même question s’est toujours posée.

 

Une société humaine existe-t-elle sans espace sacré ?

Quelques uns comme Frédéric Lenoir (philosophe, écrivain, journaliste spécialiste des religions) prétendent que c’est au paléolithique moyen qu’est apparu le sentiment religieux (il y a environ 45000 ans).

 

L’anthropologie comme la philosophie situent le sacré dans le domaine du spirituel, des mythes et de la croyance en des .pouvoirs supérieurs.

 

En psychanalyse, dans « Totem et Tabou » Freud, aborde la notion de tabou, c'est-à-dire de prohibition, en lien direct avec la notion du sacré. Cette ambivalence résulte des interdits destinés à protéger la tribu, héritière de la horde originelle, du risque de disparition.

 

Ne pas tuer l’animal tabou, ne pas avoir de rapports sexuels avec les femmes du même totem, donc de la représentation du protecteur de la horde.

 

Il me semble que le rapport au sacré fut d’abord un vécu mobilisant en même temps l’esprit et l’intelligence, l’expérience et la pratique de la vie quotidienne.

 

Il s’en suivit probablement des troubles d’ordre émotionnels profonds dont l’intelligence humaine chercha la réponse dans le domaine du mystérieux, du non-compris, du surnaturel donc, et de l’existentiel (la mort, la douleur, la peur, la vie).

 

Dans notre civilisation, le rapport des êtres humains au sacré peut être de plusieurs ordres

 

  • s’exercer dans le cadre d’une organisation cohérente, d’une institution ordonnée, d’une vie réglementant le mode de pensées, de vie, d’affect, que je nomme religieuse.

 

  • ou dans le cadre d’une recherche personnelle sublimant le développement spirituel

 

  • ou par une approche philosophique, «  le sacré se manifestant en opposition au profane suivant des modalités culturelles et humaines différentes selon les origines religieuses et la nature des croyances.

 

 

En abordant le sujet de l’espace sacré, je m’éloigne volontairement de l’approche rationnelle, de toute approche fonctionnelle de l’objet « espace ».

 

Le sujet n’est alors envisagé que par la pensée et le signifiant symbolique.

 

L’espace sacré est un objet symbolique, dont l’apparence ne reflète pas l’identité spirituelle, à l’instar des outils en Franc-Maçonnerie.

 

Les espaces qui offrent le passage du monde profane au monde sacré ont été identifiés bien avant l’invention des écritures, par des manifestations artistiques et chamaniques qui très probablement furent des sortes des proto-religions.

Suivirent les divinités des mondes mythiques légendaires, les interventions des mondes divins, des panthéons.

Avant et depuis l’antiquité des lieux ont été sacralisés et des rituels ont été créés par des sages, des prêtres, des initiés, pour maintenir des usages et préserver les vertus invisibles.

 

Car de même que les lieux, les représentations, les symboles sont apparus, des hommes enfin ceux qui détiennent la connaissance (les gnostiques notamment) ont émergés.

 

Une hiérarchie est apparue, les guides, ceux qui savent, ont créé des rites fondés les souverainetés sacrées, fait obéir les profanes et initié d’autres guides.

 

Parmi les rites anciens, ont survécus dans les religions modernes des rites d’initiation, de passage du profane au sacré comme le baptême, les rites alimentaires dans la religion judaïque.

 

Ces manifestations fonctionnent dans les temps et dans les espaces très circonscrits de manière toujours intemporelle et ritualisée pour maintenir un état de concentration et de mobilisation de l’affect.

 

Il en est de même en Franc maçonnerie, pendant nos travaux. Le temple est consacré et il est protégé de la profanation par l’isolement.

 

C’est un phénomène, une expérience, une dimension uniquement accessible à l’initié. Le rite fait le lien, et le rapport au sacré résulte de la communauté de l’espace temps, de l’espace lieu, et de l’être ensemble qui abolissent les distances et unissent les esprits.

Citation (anonyme)

« Comme dans les arts martiaux qui ne séparent pas le savoir et la force (savoir être, savoir faire), l’efficacité provient de la ritualité elle-même du savoir être qui s’intériorise dans la pratique rituelle »

 

La tenue est en soi un temps sacré, consacré par le rituel. Qui est fondé sur la conception intemporelle, stabilisée dans un éternel présent.

Car les travaux commencent à midi et se terminent à minuit.

 

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Stonehenge

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9 janvier 2014 4 09 /01 /janvier /2014 20:11

 

En Mai 2013, lors d'une Tenue Blanche à la Respectable Loge des Apprentis Éternels, Nayla FAROUKI, philosophe et historienne des sciences, dans sa conférence intitulée « Foi ou raison, peut-on sortir de la pensée magique ? », a opposé Postmodernisme et Lumières.

Je fais cette proposition pour illustrer cette opposition : le postmodernisme met à mal l'idée de Raison qui est au cœur de l'idéal de Lumières, raison qui vise à apporter à l'Homme la connaissance du monde, lui permet de distinguer la vérité de l'erreur, de discerner le bien et le mal, de tendre vers une vérité ultime.

 

 

Qu'est-ce que le postmodernisme ?

 

Le postmodernisme fait référence a l'art, à la philosophie.

 

Dans l'art postmoderne, les genres se combinent, il n'y a pas de différence entre culture savante et culture populaire. L'art postmoderne embrasse la complexité, la contradiction, la diversité, l'interconnexion. Il ne produit pas de sens.

 

Dans le champ de la philosophie, c'est Jean-François Lyotard avec son ouvrage « La condition postmoderne » paru en 1979, qui a popularisé le terme de postmodernisme.

 

Jacques Derrida, auteur français jugé difficile, dit comme étant peut-être le philosophe le plus important du XXe siècle, a élaboré le concept de déconstruction, dans une entreprise de redéfinition du texte et du sens. Tout concept portant en lui les germes de la déconstruction, toute signification peut se déconstruire. Derrida dans son approche postule que la langue ne renvoie qu'à elle-même, à sa propre vision du monde plutôt qu'à une réalité extérieure. En l'absence de référent absolu, un texte se prête alors à des interprétations multiples, contradictoires même. Les structures quelles qu’elles soient, philosophiques, politiques, sociales, institutionnelles, peuvent se défaire, décomposer, dé-sédimenter. Il n'y a que des contextes, sans aucun centre d'encrage absolu.

Le langage permet des significations plurielles et aménageables.

 

Pour Ludwig Wittgenstein, considéré comme un des philosophes majeurs du XXe siècle, le langage ne donne pas accès à la signification du monde, ni au sens que prend notre situation dans le monde. Il produit sur nous un ensorcellement et le rôle de la philosophie est de nous délivrer de cet ensorcellement, en nous le faisant apparaître comme ce qu'il est : un jeu. Le seul usage correct du langage est d'exprimer les faits du monde.

 

Tchouang-tseu, philosophe taoïste du IVe siècle avant notre ère apparaît dans sa dimension postmoderne avec les rapprochements qui peuvent être fait entre sa pensée et celle de Wittgenstein. Je vous livre quelques citations de son texte :

« La parole n'est pas sûre. »

« Il n'ait rien qui n'ait sa vérité. »

« Le livre n'est composé que de mots. Ce qu'il y a de précieux dans le mot, c'est l'idée. Mais l'idée relève de quelque chose qui est ineffable »

« Savoir qu'il y a des choses qu'on ne peut pas connaître, voilà le sommet du savoir. »

« Il me semble que la distinction entre la bonté et la justice, entre le bien et le mal ne souligne que le désordre. »

« La vie humaine est limitée, le savoir est illimité. »

 

En revenant à notre époque, dans le constructionnisme social tel qu'il est défini par Kenneth Gergen, psychologue américain contemporain, la réalité est quelque chose que des personnes en relation construisent à un moment donné. Elle est socialement ou interactionnellement inventée. Elle est un ensemble d'histoires racontées par un groupe d'être humains qui la construisent ensemble.

 

Il est dit que le postmodernisme s'appuie sur le constat de l'éclatement des valeurs, des repères, des modes de vivre ensemble, qu'il est une critique de la foi dans le caractère universel de la raison issu de la période des lumières, une posture existentielle affirmant que tout est légitime, aucune vérité n'étant démontrable et la réalité n'étant pas objectivable.

 

Le postmodernisme est-il une réalité ayant valeur de vérité ?

 

Si ce n'est pas le cas, l'opposition entre postmodernisme et Lumières disparaît.

 

Si c'est le cas, le postmodernisme est une réalité... postmoderne. C'est-à-dire qu'elle se construit dans un instant donné entre des individus qui participent à cette réalité.

 

C'est ici une invitation à ce que nous prenions ensemble un point de vue postmoderne et que nous regardions ce que permet ce point de vue et ce qu'il ne permet pas.

 

Il ne permet pas de récuser le point de vue de l'autre, ni d'imposer son propre point de vue, que l'autre soit une personne, une communauté d'individus ou un état. Il ne permet pas la guerre au nom d'une idée du juste ou de la nécessité de l'injuste. Il ne permet pas la suprématie ni l'asservissement au nom d'un savoir, d'une connaissance supérieure.

 

Il permet de faire cohabiter des opinions, des croyances, des convictions, des certitudes opposées. Il permet l'échange, la construction de relations nouvelles sur la base de la coopération, de règles partagées, de la reconnaissance et du développement des compétences de chacun, de la bienveillance. Il permet, selon la philosophe Isabelle ORGOGOZO, la reconstruction, au quotidien, avec des gens de tous les jours, d'une représentation ou d'une réinvention du monde, ou encore d'un réenchantement du monde. Non pas un réenchantement qui serait un retour à la pensée magique, en référence à Nayla Farouki, mais un réenchantement de la relation à autrui dans une ouverture aux différences.

 

Pour nous aider à ce changement de paradigme, il est possible de s'appuyer sur Tchouang-tseu ou de s'inspirer par exemple de la disputatio.

LIOU KIA-HWAY, un des traducteurs du Tchouang-tseu écrit dans la notice du texte :

« Ce qui divise les hommes et cause leur conflit perpétuel, c'est que chacun croit avoir raison, s'oppose à toute opinion différente, affirme et nie catégoriquement. Dépasser toute affirmation catégorique, toute négation tranchée, et apercevoir la complémentarité d'une affirmation et d'une négation donnée, voilà le salut de l'homme. »

« Nous devons réagir efficacement contre notre tendance naturelle à exagérer notre vérité, à minimiser notre erreur. »

« En remarquant l'erreur d'autrui, nous devons nous demander si, derrière cette erreur évidente, il ne possède pas, en même temps, une autre vérité, et qui appelle notre estime. En résumé, celui qui parvient à découvrir que sa propre vérité est partielle, sujette à l'erreur, et que l'erreur d'autrui implique bien souvent une vérité à beaucoup d'égards instructive, celui-là s'effacera volontairement et respectera autrui. »

« En cas de dispute, nous sommes convaincus d'avoir raison ; c'est toujours notre adversaire qui a tort. Mais en nous mettant à sa place, nous découvrons qu'il a raison et que c'est nous qui avons tord. »

 

La disputatio avait lieu à la Sorbonne il y a quelques siècles. Sur un sujet donné sous la forme d'une question, deux candidats devaient s'affronter. Un tirage au sort avait désigné celui qui devait être pour et celui qui devait être contre. Imaginons une variante actuelle, qui ferait, dans un désaccord entre deux personnes, prendre à chacun le partit de l'autre devant un auditoire, le gagnant étant le plus convainquant.

 

Il est aussi possible de s'appuyer sur tous les héritages de la pensée qui peuvent se lire comme des chemins allant vers ce changement de paradigme.

 

 

La Franc-maçonnerie s'inscrit-elle dans les Lumières ?

 

Elle le revendique, de par son l'histoire, et de par ses valeurs, tout au moins elle se revendique d'un héritage des Lumières, jusque dans l'article premier de sa constitution : « La philosophie des Lumières est, par ses principes et ses orientations, à l'origine du Grand Orient de France. »

Puisque nous nous sommes invités le temps d'une planche à partager une vision postmoderne, et puisque nous sommes Francs-maçons nous revendiquant des Lumières, nous allons partir du l'idée que Postmodernisme et Lumières se complètent et regarder en quoi ils se complètent.

 

L'ouvrage de Kenneth et Mary Gergen, « le constructionnisme social, un guide pour dialoguer » commence en ces termes et ouvre la voie :

"Une transformation spectaculaire s'opère dans le monde des idées. Partout, les traditions sont remises en question. La mise en doute des normes universelles sur la vérité, l'objectivité, la rationalité, le progrès ne cessent de s'accentuer. De nouveaux dialogues émergent cependant, de nouvelles voies s'élèvent, porteuses d'espoir et de promesses pour l'existence humaine. Ces conversations se répandent à travers les continents et les cultures et s'accompagnent d'une profusion de nouvelles pratiques professionnelles – dans les organisations, l'éducation, la thérapie, la recherche sociale, le travail social, la consultance, la résolution des conflits, la croissance des communautés, etc.

De nombreux noms sont donnés à cette révolution de la pensée et de la pratique. Les termes de post-fondamentalisme, de postempirisme, de nouveau siècle des Lumières et de postmodernisme sont souvent cités. Ils sont tous tissés sur la même toile du constructionnisme social – c'est-à-dire de la création du sens par nos activités collaboratives."

 

Sur le site de la loge « Lumières et Laïcité », dans une planche intitulée « La dérision », nous pouvons lire :

"Le chemin sur lequel nous allons, il ne mène nulle part ! il n’y a pas de destination finale, il n’y a que du voyage ! La vérité que nous cherchons, elle n’existe pas! Notre vie maçonnique est confrontée à une forme de vacuité.

Cette vacuité est illogique pour nos références occidentales, mais elle serait naturelle pour un « oriental » pour qui, réaliser la vacuité des choses, c’est réaliser que rien n’est stable et définitif, que toute chose est en état de flux dynamique, que hormis le mouvement et la transformation, il ne reste rien…

La franc-maçonnerie est un produit de l’Occident, mais elle comprend cette approche et nous permet d’appeler transmission cette transformation. Au fond, la transmission, c’est la transgression de l’acquis pour permettre la transformation.

Voilà ce qui permet de placer quand même la franc-maçonnerie dans une posture universelle.

D’après la définition de l’Académie,  la dérision s’accroche à une idée de destruction.

Au passage, je note cette tendance savante et profane à parler spontanément de destruction plutôt que de dé-construction.

La transmission est l’inculcation, à un être libre, de croyances incertaines. Elle est la raison d’être de la franc-maçonnerie. On transmet en effet ce qui, dans la tradition, est jugé digne de survivre, et ce contenu change avec le temps !"

 

Dans la loge, les points de vue différents cohabitent ! Le rituel de prise de parole donne à chacun la possibilité de s'exprimer et d'aller au terme de son expression. Il favorise l'écoute, la grande écoute silencieuse et respectueuse de l'auditoire. L'écoute favorise l'ouverture d'esprit, l'enrichissement et l'affirmation de son propre point de vue.

 

La fraternité permet de dépasser les désaccords, de créer une réalité commune qui enrobe les réalités différentes.

 

Si j'ouvre l'ouvrage de Tzvetan Todorov, « L'esprit des Lumières », écrit en 2006, je trouve :

"Les lumières absorbent et articulent les opinions qui, dans le passé, étaient en conflit, elles sont éprises d'histoire et d'éternité, de détails et d'abstraction, de nature et d'art, de liberté et d'égalité. Elles sont faites d'idées qui sortent des livres et passent dans le monde réel. Elles sont débat plutôt que consensus. Elles se fondent sur l'autonomie, la finalité humaine de nos actes et l'universalité. Elles comprennent l'entière liberté d'examiner, de questionner, de critiquer et de mettre en doute. Elles sont projet d'avenir."

 

Nous sommes passés d'une logique d'exclusion (Postmodernisme ou Lumières) à une logique de complémentarité (Lumières et Postmodernisme).

 

Wittgenstein disait : « La solution du problème que tu vois dans la vie, c’est une manière de vivre qui fasse disparaître le problème. »

Nous pouvons pratiquer des manières de penser et de vivre qui amènent la dissolution du problème de l'opposition entre postmodernisme et Lumières.

 

Ne sommes nous pas actuellement, dans ce temps d'invitation à l'héritage postmoderne, dans la recherche de la vérité, objet que l'on retrouve dans l'article premier de la constitution du Grand Orient de France ?

 

 

Quand Postmodernisme et Lumières se complètent, que deviennent les notions de vérité, réalité, raison et connaissance ?

 

La vérité devient la véracité et la recherche d'une éthique de vérité.

La véracité est la qualité d'une personne qui dit la vérité ou croit la dire, l'exactitude, la fidélité, la sincérité, l'authenticité de ce qu'elle rapporte.

La recherche d'une éthique de vérité est la quête, la mise au travail, infinie et en perpétuelle évolution de ce qu'est la vérité, pour chacun d'entre nous, mais aussi à l'intérieur de chaque communauté librement choisie ; une éthique de vérité qui élabore des modalités de partage de vérités multiples, différenciées, complémentaires, accordées, opposables ou contraires.

Peut-être à l'exemple de ce qui se joue ce soir entre nous, où je vous livre une part de moi-même en tenant compte de ce que je connais de vous, où vous écoutez avec respect, attention, silence et concentration ce que je tiens pour vrai, où certains d'entre vous vont réagir en donnant une part d'eux-même qu'ils tiennent pour vrai, que nous allons écouter avec respect, attention, silence et concentration.

Ce qui permettra à chacun de prendre la mesure de la part de l'autre, de voir apparaître ce qui nous unit et ce qui nous distingue.

 

La réalité devient ce que nous allons choisir de partager ou de ne pas partager.

 

La Raison ? Ce que nous allons construire ensemble pour nous permettre de partager des réalités différentes. Entre individus, entre communautés et entre états.

 

La connaissance ? L’immense champ de la curiosité, la matière infinie, infinie parce que dépassant la faculté de découverte individuelle, matière que nous allons mettre au service de la relation à autrui et de ce que nous avons décidé de construire ensemble.

 

A la vérité, la réalité, la raison, la connaissance, s'est invitée, sans que nous la convoquions, l'humanité, dans sa dimension d'histoire, de partage, de vision et de construction de l'avenir.

 

J'ai dit

 

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Ludwig Wittgenstein (1889 - 1951)


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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 18:40

 

La première fois que j'ai vu un drone, c'était il y a 5 ou 6 ans, à Autrans, lors de la Foulée Blanche des enfants. Juste avant le départ, une sorte d'araignée noire métallique s'est élevée dans le ciel et son bourdonnement conséquent fut rapidement couvert par les cris de joie des enfants qui levaient leurs bâtons pour le saluer. Le soir, à la télé régionale, j'ai vu les images saisissantes prises par ce robot volant. A l'époque, je me suis dit que c'était l'outil idéal pour les R.G., à la fois pour quantifier une manifestation et pour en identifier ses membres.

J'entends beaucoup de voix qui s'élèvent pour la défense de la vie privée sur internet et dénoncent les pratiques de google, facebook et consorts. Et c'est tant mieux. Mais je dirais que lorsqu'on se sert d'internet ou même de téléphones portables, on se doute bien que le réseau gardera des traces exploitables par les publicitaires dans le meilleur des cas ou la NSA, en accord avec les services de renseignements de différents états. C'est une sorte de servitude volontaire, surtout quand on apprend que les concepteurs de systèmes de cryptage y incluent des failles délibérées. D'ailleurs, les truands ne s'y trompent guère : ils utilisent d'autres modes de communication.

Mais j'entends peu de voix pour exiger une législation encore plus contraignante sur les drones.

La France est le seul pays d'Europe à avoir légiféré au printemps 2012, sur les drones et ce de manière assez restrictive, à propos des drones civils.

En terme juridique les drones sont des «aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord ». Le terme de drone vient, cela ne vous étonnera pas, de l'anglais et signifie « faux bourdon ».

Un drone peut être, soit programmé à l'avance pour faire son vol en totale autonomie, soit piloté à distance par un chef de projet, en principe contrôlé par un deuxième pilote si le drone est pourvu d'un appareil photo ou d'une caméra (du moins en France). Les deux personnes doivent posséder la partie théorique du diplôme de pilote d’Ulm. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les fabricants de drones sont aussi prestataires de service, en fournissant l'ensemble du « système ». Car un drone ce n'est pas simplement l'objet volant (plus ou moins grand, plus ou moins autonome), c'est aussi le système de communication avec la base (souvent satellitaire) et bien sûr le système d'analyse et de pilotage. Ces systèmes drone civils doivent être homologués par l'aviation civile. En France, il y a à peu près 400 systèmes déclarés.

 

Les drones civils sont conçus pour des tâches très variées. En général, le drone est utilisé en remplacement de l'hélicoptère : cela coûte moins cher et il n'y a pas de pilote susceptible d'être en danger. Cela peut aller de la recherche en montagne (avalanches, chutes), à l'inspection des lignes à haute tension EDF, des bétons des barrages et des centrales nucléaires, des panneaux photovoltaïques des centrales solaires, de la détection des incendies, de l'inspection des voies ferrées en passant par la prise de vue aérienne (espionnage, sécurité, immobilier) et l'épandage de traitements chimiques en agriculture. Au départ, extension robotisée de notre œil, le drone deviendra d'ici très peu de temps extension de notre main en apportant une bouée de sauvetage au naufragé en mer.

Il faudra veiller scrupuleusement à la protection de la vie privée et au droit à l'image.

 

Parlons maintenant des drones militaires.

Les armées ont toujours voulu savoir ce qu'il y avait de l'autre côté de la colline ou de la montagne afin de mieux se préparer au combat ; elles ont surtout toujours rêvé d'infliger des revers à l'ennemi en limitant leurs propres pertes. C'est ainsi, qu'en 1849, les Autrichiens bombardent Venise insurgée à l'aide de ballons portés par le vent. La guerre de 14 engendre le développement par l'Angleterre, les États Unis et la France des premiers avions sans pilote. On peut dire que les V1 allemands sont des quasi-drones. Mais le grand démarrage des drones militaires a eu lieu pendant la guerre de Corée et celle du Vietnam : observation, largage de tracts à des fins de guerre psychologique. Les drones ne transportent pas encore de bombes.

L'observation par les drones est plus efficace que l'observation intermittente par les satellites. Les drones, équipés de gyroscope, ont toujours une caméra horizontale, souvent thermique, ce qui permet de repérer des soldats camouflés, et surtout, il peuvent faire du « tracking », c'est à dire suivre des convois ou des individus.

C'est en 2001, que le tout premier « Predator » américain lâche des bombes en Afghanistan.

En 2000, l'US Air Force possède 50 drones. Aujourd'hui, elle en a 7500, ce qui correspond à un tiers de sa flotte. Et, comble de l'ironie, c'est Barak Obama, titulaire du prix Nobel de la Paix, qui en a développé l'utilisation massive. L'US Air Force les utilise dans les champs de bataille. Mais beaucoup plus grave, c'est que depuis 2004, la CIA est chargée des « assassinats ciblés » que ce soit au Yémen, au Pakistan, en Somalie ou en Libye. Ces opérations n'ont même pas la reconnaissance officielle des États Unis. En mai 2012, le New York Times a révélé l'implication personnelle de Barak Obama dans l'élaboration des « kill lists ». La contestation parlementaire américaine a été telle que Barak Obama a été obligé de s'exprimer sur le sujet. Je cite le journal Le Monde :  Le président, tout en reconnaissant que l'usage des drones pose de "profondes questions" - de"légalité", de "morale", de "responsabilité ", sans compter "le risque de créer de nouveaux ennemis" -, l'a justifié par son efficacité : "Ces frappes ont sauvé des vies.".

Une ONG britannique révèle le nombre de victimes de ces frappes, autour de 2200, et montre que beaucoup de victimes sont des victimes civiles dont des enfants. Malala Yousafzaï, la jeune pakistanaise qui a reçu le prix Sakharov a été reçue récemment à la Maison Blanche. Elle dit : "J'ai (...) exprimé mes inquiétudes au sujet des attaques de drones qui alimentent le terrorisme".

 

 

Israël est l'autre pays qui se sert des drones de combat pour tuer ses ennemis. Le programme de drones israélien remonte à la guerre du Kippour pendant laquelle 200 pilotes israéliens ont été tués.

Au dire des organisations des droits de l'homme situées dans la bande de Gaza (Amnesty International et HRW), sur les2269 Palestiniens tués entre 2008 et 2013 par Israël , 911 l’ont été par des drones. 300 enfants parmi les victimes civiles.

L'information sur l'utilisation des drones par Israël est très verrouillée et les journalistes israéliens sont obligés de passer par les média occidentaux. Internet est très pauvre sur la question.

Israël est le premier pays exportateur de drones, devant les États Unis. D'ailleurs, si vous voulez acheter un drone de combat, vous avez accès très facilement à toutes les entreprises israéliennes qui les vendent et à leur site web.



Le 18 novembre dernier, le Ministre de la Défense iranien a dévoilé le tout nouveau drone fabriqué par son pays. Il s'agit du drone Fotros, quia un rayon d'action de 2.000 kilomètres et peut voler à une altitude de 25.000 pieds avec une durée de vol de 16 à 30 heures. C'est dire qu'il peut transporter des missiles au dessus d'Israël.

Les guerres ont toujours permis des avancées technologiques, car les états sont enfin prêts aux financements nécessaires à la recherche scientifique et technique. Et je le déplore. Mais là, pour moi, la coupe est pleine. J'étais déjà révoltée par les fameuses frappes chirurgicales de la première guerre du Golfe, je le suis encore plus par l'assassinat organisé, sans aucun contrôle démocratique et en dehors de tout cadre légal.

En occident, maintenant, on veut pratiquer des guerres propres, sans blessés, sans morts à rapatrier. Les morts sont tous du même côté. Les morts de là-bas sont morts parce qu'ils avaient l'air de contester, parce qu'ils sont des soldats, ou parce qu'ils auraient pu devenir des soldats. On tue de façon préventive, même si ce n'est pas toujours le cas. C'est la guerre asymétrique. C'est une guerre amorale, si tant est qu'il existe une moralité dans la guerre. Mais les mêmes qui ont dénoncé l'utilisation des gaz chimiques en Syrie souhaitent doter la France de drones de combat plus performants que ceux qu'elle a déjà.

Prenez le temps de regarder ''C'est pas sorcier'', Arte Future sur les drones, faites une recherche sur le site du Monde et sur Wikipedia.

Vous comprendrez comment cette nouvelle technologie va redonner aux armées une sorte de monopole sur la défense que les citoyens ne contrôleront plus, vous comprendrez comment nos ennemis, à défaut de pouvoir se battre contre nos armées technologiquement démoniaquement supérieures vont s'en prendre encore plus à des civils. Le déséquilibre est une fabrique de terroristes – ou de résistants, selon les points de vue.

Pour terminer sur une note d'humour, je tiens à vous dire que le drone le plus utilisé actuellement s'appelle MALE, M.A.L.E. Comme Moyenne Altitude Longue Endurance. Un symbole ?


J'ai dit.


Drone_Flying_Eye.jpg


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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 09:34

 

La démocratie est une doctrine et une organisation politique, un ensemble de valeurs et un idéal.

Cette doctrine et cette organisation politique se fondent sur l'égalisation des conditions, la souveraineté du peuple et l'omniprésence de l'opinion publique1.

L'idéal démocratique s'appuie sur les valeurs de liberté et d'égalité vécues comme complémentaires, sur la fraternité, le respect des différences, la coopération.

 

 

L'histoire de la démocratie remonte à l'Antiquité, au VIIe siècle avant notre ère, en Grèce, en Inde et en Mésopotamie, avec une émergence au XVIIe siècle et une extension jusqu'à nos jours.

Le passage d'une aspiration à une réalisation démocratique est un processus qui peut être chaotique. En Europe, après la Terreur, la restauration de la royauté, la première guerre mondiale et le fascisme, les idées de 1789 ont réinstallé la démocratie2.

En 2010-2011 l'espérance des révolutions démocratiques arabes s'est refermée brutalement pour sans doute resurgir dans l'avenir, si l'on partage la conviction d'un avènement irréversible, universel de la démocratie dans le monde3.

La démocratie constitue aujourd'hui l'héritage commun de l'humanité.

 

 

Dans le monde, quatre gouvernements ne se revendiquent aucunement en tant que démocratie : L'Arabie Saoudite, le Bangladesh, le Vatican et Brunei.

Cuba, la Libye, la Syrie, le Turkménistan, la Chine, le Vietnam, le Laos se déclarent démocratiques mais ne permettent pas l'existence de groupes d'opposition.

156 pays se déclarent démocratiques et permettent l'existence de groupes d'opposition, du moins en théorie.

 

 

L'indice de démocratie4, créé par The Economist group se propose d'évaluer le niveau de démocratie de 167 pays, en se basant sur 60 critères appartenant à cinq catégories (le processus électoral et le pluralisme, les libertés civiles, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique, la culture politique). Ces catégories sont interdépendantes et conçues comme un tout conceptuel cohérent. Les élections libres et justes, la liberté politique sont considérées comme des conditions sine qua non. Sont également pris en compte les libertés d'expression, de religion, d'association, et le droit à un procès juste et équitable.

 

Sur 167 pays, classés de l'indice de démocratie le plus élevé au plus faible, on compte 25 Démocraties, 53 Démocraties imparfaites, 37 Régimes hybrides et 52 régimes totalitaires.

La France, classée comme démocratie imparfaite, est en 29e position derrière l'Afrique du Sud, la Corée du Sud, le Costa Rica, la République Tchèque.

Les trois premiers pays sont, dans l'ordre, la Norvège, l’Islande et le Danemark.

Il existe un frontière commune entre la Corée du Sud, démocratie classée en 22ème position et la Corée du Nord, régime totalitaire classé en 167ème et dernière position.

 

Dans le classement de 2011, en France, le processus électoral est évalué à 9,58 (contre 10 au Danemark), le fonctionnement du gouvernement à 7,14 (contre 9,64 en Suède), la participation politique à 6,11 (contre 10 en Norvège), la culture politique à 7,5 (contre 10 en Islande) et les libertés civiles à 8,53 (contre 10 en Irlande).

 

 

Dans les institutions qui contribuent à la démocratie mondiale et œuvrent à la paix dans le monde, l'Organisation des Nations Unies joue un rôle majeur. Fondée en 1945 pour remplacer la Société des Nations, elle compte 193 états membres sur les 197 reconnus par l'organisation.

 

Crée en 2002, la Cour Pénale Internationale est une institution permanente chargée de promouvoir le droit international et de juger les personnes accusées de génocide, crime contre l'humanité et crime de guerre. Elle vient d'émettre en octobre dernier un mandat d'arrêt contre Charles Blé Goudé, proche de Laurent Gbagbo, accusé de crimes contre l'humanité commis pendant les violences post-électorales de 2010-2011 en Côte d'Ivoire, pays classé dans les régimes totalitaires en 142e position sur l'Indice des démocraties.

 

L'Organisation pour l'Interdiction des Armes Chimiques vient d'être mandatée par l'ONU pour assurer le démantèlement de l'arsenal chimique syrien. Elle compte 190 états membres. Deux pays signataires, Israël et la Birmanie n'ont pas encore ratifié la Convention sur l'Interdiction des Armes Chimiques. La République Populaire Démocratique de Corée, l’Égypte, l'Angola et le Sud Soudan ne sont pas membres.

 

La déclaration universelle sur la démocratie5 pose les principes de la démocratie et sa dimension internationale. Elle a été adoptée par le Conseil interparlementaire au Caire le16 septembre 1997.

 

La Campagne pour la création d'une Assemblée Parlementaire des Nations Unies6 (APNU) est initiée par un réseau mondial de parlementaires et d’organisations non gouvernementales œuvrant pour la représentation des citoyens aux Nations Unies et la création d'un parlement mondial.

 

 

Au niveau européen, l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) accueille la totalité des états du continent européen ainsi que ceux qui sont nés de la dissolution de l'Union Soviétique. Les États-Unis et le Canada ont un statut d'associés. Pour les états participants, une sécurité durable ne peut être obtenue sans le respect des droits de l’homme, ni sans institutions démocratiques.

Le Bureau des Institutions Démocratiques et des Droits de l’Homme7 (BIDDH), crée en 1990, a pour mission d'assister les gouvernements à tenir leurs engagements dans le domaine des droits de l’homme et de la démocratie.

 

 

Au niveau local, la démocratie se vit dans toutes les instances de décentralisation des pouvoir de l'état, dans les conseils de quartier, les partis politiques, l'activité syndicale, le secteur associatif, les loges. Il est possible de questionner dans tous ces lieux l'indice de démocratie. Le fonctionnement démocratique est-il important, visible, respecté dans les discours, dans les pratiques, vivant, exemplaire ?

 

 

Si l'on regarde l'histoire de l'humanité, il est très probable que l'excès et la volonté de pouvoir soient dans la nature de l'homme.

« Le lutteur commence son combat dans un esprit de loyauté mais finit par user de coups défendus ; l'excès de ruse engendre des procédés anormaux. Le buveur qui se conforme au rite commence dans un esprit de politesse, mais finit dans un état de dérèglement qui amène une conduite anormale. Il en est ainsi de toute chose. On commence dans la courtoisie pour sombrer dans la grossièreté ; ce qui était d'abord peu de chose se termine en catastrophe.8 »

Cet extrait nous vient de la Chine antique, il est tiré du Tchouang-tseu au IV siècle avant notre ère.

Au XXe siècle, Georges Orwell, préoccupé par la question du pouvoir, tire de son expérience Birmane, londonienne et parisienne un texte terrifiant sur la logique de pouvoir poussé à son extrême, ne se préoccupant plus que du fait de se perpétuer. Le pouvoir comme fin en soi, débarrassé de toute idéologie, beaucoup plus puissant et pérenne que le nazisme ou le stalinisme, un pouvoir qui, après s'être attaqué à la liberté d'agir, s'attaque à la capacité de penser en refondant le langage.

Ceci impose la vigilance. Les systèmes démocratiques, mêmes parfaits, ne protègent pas des glissements de l'altruisme vers l'égoïsme ni des dérives des excès du pouvoir.

 

 

Un autre risque est au cœur des systèmes démocratique : le national-populisme.

En juin 2012, en Grèce, berceau et laboratoire historique des théories et des expérimentations démocratiques, 18 députés du parti néonazi Aube dorée sont arrivés au parlement. Parti à qui les sondages ont donné 12% d'opinion favorable, populaire avec ses distributions de nourriture réservées aux Grecs.

En Norvège, pays en tête du classement de l'Indice de démocratie, l'extrême droite va faire son entrée au gouvernement.

La tendance est à une reconversion des partis d'extrême droite racistes en partis populistes xénophobes. Ces mouvements passent d'une idéologie de haine vouée à l'échec électoral à un rejet fourre-tout de l'autre et du système, plus impulsif, moins infréquentable mais qui vise à la conquête réelle du pouvoir, prônant le passage d'un régime parlementaire à des consultations référendaires.9

Les extrêmes droites nationalistes populistes cultivent l'utopie d'une société fermée propre à assurer la renaissance communautaire.

 

Heureusement, (mais aussi malheureusement), en démocratie, une pensée ne vaut que si elle devient majoritaire10.

 

Face à ce risque du national populisme et devant l'enjeu que représente la démocratie pour l'avenir de l'humanité, nous pouvons faire le pari de la culture, de la pédagogie, de l'obligation de la transparence et du rendre-compte, de l'exemplarité, du respect des décisions démocratiques et de la mise au travail constante des processus démocratiques.

 

A l'idée de société fermée s'oppose une culture d'ouverture partagée et accompagnée, rencontre de l'autre et de ce qui est autre, de ce qui engage.

Dans ce courant se situent l'éducation populaire, l'Université Populaire ou des associations comme « Culture du Cœur » qui associent médiation culturelle et intervention sociale.

 

Il serait possible de faire l'état actuel de la pédagogie de la démocratie, questionner l'existant, imaginer et construire les développements possibles.

 

L'exemplarité est ce qui se donne à voir et ce qui s'oublie.

La transparence et le rendre-compte sont les premières conditions pour que les fonctionnements et les pratiques démocratiques se donnent à voir.

Dans ce qui se donne à voir se mesure l'écart entre la parole et les actes, ou apparaît la signification que l'usage donne aux mots.

« Les paroles de l'homme sont pareilles aux vagues soulevées par le vent, mais l'acte de l'homme ne rejoint jamais sa parole. » (Tchouang-tseu) ou « Laisse l’emploi des mots t’enseigner leur signification11. » (Ludwig Wittgenstein, philosophe autrichien et britannique du XXe siècle).

L'exemplarité se montre dans le respect de la règle et le respect des décisions démocratiques.

Jean Baudrillard, philosophe français, a distingué la règle de la loi12. Si selon lui la loi institue et peut être transgressée, la règle, établie entre des hommes pour fonctionner ensemble ne peut que se respecter, sauf à sortir du jeu commun.

Dans tout système démocratique élaboré, le pouvoir circule de la base au sommet et du sommet à la base. Chaque individu à son niveau va participer à des prises de décisions et va appliquer des décisions prises à un niveau différent. La souveraineté des individus va être assortie à certaines conditions (par exemple le droit de vote) et la contrepartie de cette souveraineté va être la soumission à certaines obligations (par exemple l'application d'un règlement). L'exemplarité se joue à tous les niveaux.

Les décisions prises selon des règles démocratiques s'appliquent à tous les individus concernés, sauf à revoir et modifier démocratiquement ces règles.

 

Si l'exemplarité s'oublie, c'est qu'elle se pratique et qu'elle ne sert pas de faire valoir, d'exemple à donner à autrui.

 

Les processus démocratiques se mettent au travail, chaque fois que cela s'avère nécessaire. Les équilibres entre démocratie représentative et démocratie participative se construisent et s'ajustent.

Francis Fukuyama, politologue américain, dénonce ce qu'il appelle la vétocratie, un système dans lequel un acteur politique représentant des vues minoritaires peut bloquer la majorité. Deux exemples récents peuvent illustrer son constat : le cas du vote du budget fédéral aux USA et le veto de la Russie à l'ONU sur le déclenchement d'une répression armée contre le régime syrien.

Ces questions s'examinent, selon les contextes. Il ne peux exister de modalités généralisables à toutes les situations.

 

 

Plutôt qu'exportable, la démocratie est une valeur universellement extensible, renouvelable et perfectible.

 

 

J'ai dit.

 

  Athenesdemocratie.jpg

 

 

Stèle : La démocratie couronnant Athènes (musée de l'agora à Athènes)

 

 

 

 

 

 

 

 

1Alexis de Toqueville

2L'alarme d'Edgar Morin, Médiapart, le 28/08/13

8Philosophes Taoïste I, éd. La Pléiade, 1980, p. 115 et 116

9Week-end chez les populistes, Le Monde du 02/10/13

10Guy Sorman, Impossible et pourtant nécessaire, le social libéralisme à la française, Le Monde du 24/10/13

11Ludwig Wittgenstein, Recherches philosophiques

12De la séduction, 1979

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14 novembre 2013 4 14 /11 /novembre /2013 21:27

 

Mais pourquoi diable ai-je décidé de faire une planche sur le Paysage Maçonnique Français ?

Sans doute parce que j'avais besoin d'une piqûre de rappel de l'histoire de la Franc-Maçonnerie mais

très certainement pour m'obliger à me documenter sur un sujet qui ne m'a jamais particulièrement intéressée, si ce n'est « en creux », comme une petite souffrance latente agaçante.

Plus de 30 obédiences se partagent les 130 à 140 000 maçons et maçonnes de France. Rassurez-vous, je ne vais pas vous en faire un tableau exhaustif.

Si les Maçons entre eux ont des moyens de se reconnaître, il en est de même pour les obédiences qui signent des traités de reconnaissance mutuelle. Cette reconnaissance autorise, entre autres choses, les visites réciproques.

Aujourd'hui, je détaillerai seulement les obédiences régulières et traditionnelles que je connais peu, et pour cause, étant de sexe féminin !

Et pour y comprendre quelque chose, j'ai été amenée à faire un retour en arrière historique.

 

Mon propos sera donc en 2 parties :

1.Un petit historique de la Franc-Maçonnerie en France via le Royaume-Uni

2.Les principales obédiences françaises qui ne font pas partie du groupe de reconnaissance intitulé « Maçonnerie Française »

 

 

1. Historique de la F.M.

 

Je ne parlerai pas de la transition entre maçonnerie opérative et maçonnerie spéculative, tant l'histoire de cette transition est sujette à controverses entre historiens Écossais et Anglais, mais des débuts de la Maçonnerie dite spéculative, qui voit le jour au XVIIème siècle, et en Écosse, alors catholique, et en Angleterre alors déchirée par les guerres de religion.

Dix ans après l'union de la couronne d'Angleterre et d’Écosse, en 1717, à Londres, quatre loges qui avaient les noms des « pubs » dans lesquels elles se réunissaient, fusionnent pour créer la Grande Loge de Londres et de Westminster. Les liens de ses membres avec la Royal Society et les milieux scientifiques permettent d'y développer des idées de tolérance religieuse et de s'appuyer pour ce qui concerne la recherche de la vérité sur les découvertes scientifiques récentes.

Quelques années plus tard, en 1723, le Pasteur James Anderson publie les Constitutions et règlements de cette nouvelle association. Ces Constitutions s'appuient sur les anciens « landmarks » (ou Anciens devoirs) qui régulaient les loges primitives. Mais Anderson y introduit une innovation fondamentale, à savoir le principe de la liberté de conscience, quant au choix de sa religion.

 

En 1751, des maçons anglais contestent cette Grande Loge de Londres et de Westminster, au prétexte qu'elle s'écarte trop des anciens « landmarks ». Ils créent une nouvelle obédience, qu'ils qualifient d 'ancienne, bien que plus récente, car plus traditionnelle.

Ces deux obédiences se disputent le terrain pendant 63 ans, jusqu'à ce qu'elles fusionnent, en 1813, créant la Grande Loge Unie d'Angleterre (GLUA). En 1929, elle établit une règle en 8 points, qui permet de définir ce qu'on appelle la « régularité ». Cette règle établit, je cite :

« Que la croyance en le Grand Architecte De L’Univers et en sa volonté révélée soient une condition essentielle de l'admission des membres. »

 

Je cite encore :«  Que les membres de la Grande Loge et des Loges individuelles soient exclusivement des hommes, et qu'aucune Grande Loge ne doit avoir quelque relation maçonnique que ce soit avec des Loges mixtes ou des obédiences qui acceptent des femmes parmi leurs membres. »

 

En 1989, le Bureau de la GLUA précise :

« Il existe quelques soi-disant obédiences maçonniques qui ne respectent pas ces normes, par exemple qui n'exigent pas de leur membres la croyance en un Être Suprême, ou qui encouragent leurs membres à participer en tant que tels aux affaires politiques. Ces obédiences ne sont pas reconnues par la Grande Loge Unie d'Angleterre comme étant maçonniquement régulières, et tout contact maçonnique avec elles est interdit. »

 

Mais, revenons en France.

 

Il semblerait, mais ce n'est pas encore totalement prouvé, que la maçonnerie a pris pied en France, en 1688, à Saint Germain en Laye, grâce à des exilés politiques écossais, venus en France dans le sillage de Jacques Stuart. Cette loge se serait appelée « La parfaite égalité ».

Ce qui est certain, c'est que vers 1725, une loge a été fondée, regroupant des Irlandais et des exilés jacobites. En 1728, les francs-maçons de France se choisissent comme Grand Maître le duc de Wharton, marquant ainsi le début véritable de la franc-maçonnerie française. D'ailleurs, le Grand Orient De France (GODF) considère cette date comme la date officielle de sa création, même s'il n'avait pas encore ce nom. Le rituel est le rituel de la Grande Loge de Londres et de Westminster, traduit en français, d'où sa dénomination, rite français.

De nombreuses loges se créent dans toute la France, avec des grands maîtres issus de l'aristocratie anglo-saxonne. Ce n'est qu'en 1738, que se constitue la première Grande Loge de France (qui n'a rien à voir avec celle d'aujourd'hui) qui se choisit comme Grand Maître, Louis de Pardaillan de Gondrin , deuxième duc d'Antin .

Ce choix est judicieux  car cela permet d'alléger la surveillance policière des Francs-maçons. Par ailleurs, la bulle papale de Clément XII, condamnant la Franc-Maçonnerie, ne sera jamais enregistrée par le Parlement français, ce qui la rend de ce fait, inapplicable. Ainsi, au moment où tous les Francs-maçons européens sont persécutés, la maçonnerie se développe en France, regroupant des aristocrates catholiques, des membres du clergé et beaucoup de militaires (à qui l'on doit les expressions utilisées dans les banquets d'ordre). Elle se développe même en direction des femmes avec les Loges d'adoption, dès 1740.

Je vous cite le GODF qui nous dit : «  A partir de 1740, la Maçonnerie va se diffuser largement dans toute la France. Rares sont les petites villes qui ne compteront pas de loges. Elles sont un lieu de convivialité où – bien dans l’esprit du siècle – les frères célèbrent la vertu et l’égalité. Peu à peu – et probablement de manière inconsciente – s’y développe une sociabilité libérale et démocratique qui prépare insensiblement l’avènement des idées nouvelles. »

 

En 1771, Louis Philippe d'Orléans est à la tête de la maçonnerie française. En moins de deux ans et en s'appuyant sur les loges de province, la réorganisation aboutit à la création, en 1773, du Grand Orient de France. Ce n'est pas un simple changement de nom, mais une véritable réforme avec l'élection des Vénérables Maîtres, précédemment titulaires à vie de leur fonction, et la mise sur pied d'une véritable organisation chargée de coordonner le travail des 600 loges.

La Révolution Française passe par là. Des 1000 loges recensées en 1789, seules 75 seront aptes à reprendre leur travaux en 1800. Un déploiement exceptionnel du GODF a lieu pendant la période Napoléonienne, mais il est de courte durée. Avec la Restauration, le GODF est décapité et soumis à la royauté.

En 1804, une deuxième obédience est créée « La Grande Loge Générale Écossaise de France ».

Avec l'application du Concordat et du pouvoir accru de l’Église, les catholiques quittent peu à peu la maçonnerie qui du coup se radicalise, tant au plan philosophique que politique. Nombreux sont les maçons qui s'engagent en 1830 aux côtés des républicains. En 1848, seuls deux ministres du gouvernement provisoire ne sont pas maçons. Il faut noter qu'au convent de 1849, le GODF, influencé par un christianisme libertaire et anticlérical inscrit dans sa constitution :

« La Franc-Maçonnerie, institution essentiellement philosophique, philanthropique et progressive a pour base l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme. »

Napoléon III propose sa protection à la Franc-Maçonnerie tout en la mettant sous tutelle. L'autre maçonnerie, celle qui s'appuie sur la GLUA a manqué de disparaître.

Les maçons parisiens s'impliquent beaucoup dans la Commune de Paris, mais sont désavoués par les maçons de province et le GODF se rallie à Thiers et à la Troisième République. Le conflit qui oppose cette dernière à l’Église, lors de l'installation des écoles laïques sur tout le territoire, amène le GODF a supprimer de sa constitution, en 1877, l'obligation de croire en Dieu et en l'immortalité de l'âme. Ce n'est pas encore la liberté absolue de conscience, puisqu'il y a référence au GADLU, mais les loges sont désormais libres d'interpréter ce concept à leur guise et même de l'ignorer.

 

En 1894 est officiellement créée la Grande Loge de France, issue de la liberté qu'ont prise un certain nombre de Loges bleues par rapport au Suprême Conseil et de la fusion avec les loges de la Grande Loge Symbolique. Pendant 50 ans, La Grande Loge de France partage tous les combats laïcs et républicains avec le GODF.

 

En 1893, Le Droit Humain, obédience mixte, est fondé, conservant de par son origine, la structure pyramidale des 33 degrés.

En 1929, la Grande Loge Unie d'Angleterre, se proclame « Grande Loge Mère du Monde » et formule des principes de reconnaissance, dont le principal est la croyance en un dieu révélé.

Le monde entier s'y est soumis, sauf la maçonnerie latine qui a trop eu à batailler contre l’Église.

En France, seule la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière, créée récemment à l'initiative de Frères anglais suivra la politique de Londres.

Après la Seconde Guerre mondiale, la franc-maçonnerie française est défaite. Tout est à reconstruire.

Le projet de fusion de la Grande Loge de France et du Grand Orient de France n'aboutit pas.

La Grande Loge de France devient alors soucieuse d'être reconnue par la GLUA. Pour ce, elle se débarrasse de ses nombreuses loges d'adoption qui constituent en 1952 la Grande Loge Féminine de France. En 1953, elle rétablit l'usage de la Bible sous l'équerre et le compas.

 

Les années 60 et 70 voient la prolifération d'obédiences nouvelles, issues de scission, de scission de scission. Roger Dachez parle même d'une balkanisation de la franc-maçonnerie qui reflète l'atomisation de la société et la disparition des solidarités traditionnelles.

 

Fort heureusement, dans certaines circonstances, la maçonnerie française est capable de parler d'une seule voix, ou presque (déclarations communes contre l'intolérance et la xénophobie, prise de position entre les deux tours des présidentielles de 2002, célébration commune de la loi de 1905 et des 275 ans de la Franc-Maçonnerie). En février 2002, 9 obédiences (le Grand Orient De France, la Grande Loge De France, la Grande Loge Féminine de France, le Droit Humain, la Grande Loge Mixte Universelle, la Grande Loge Mixte de France, la Grande Loge Traditionnelle Symbolique Opéra, la Loge Nationale Française, la Grande Loge Féminine Memphis Misraïm) créent l'association « Maçonnerie Française » et l'Institut Maçonnique de France dont le but est de promouvoir la maçonnerie et d'en étudier son histoire. En 2006, la GLDF se retire de cette association.

 

 

2.Les Maçonneries Françaises

 

 

A. La Maçonnerie régulière

 

Le terme de régularité, utilisé en franc-maçonnerie est en fait un anglicisme qui vient de « regular » et qui veut dire légitime, conforme aux règles. La légitimité maçonnique est acquise dès lors qu'une obédience reconnaît les quatre principes suivants :

1.La croyance en Dieu, à des degrés divers, allant de la « Foi en Dieu » pour certaines, à la simple « croyance en l'existence d'un Être Suprême » pour d'autres.

2.La présence d'un livre sacré dit Volume de la Sainte loi (Bible, Torah, Coran,  etc.) dans la loge.

3.L'interdiction de toutes discussions politiques ou religieuses en loge.

4.L'interdiction de tout contact avec les obédiences féminines ou mixtes.

De ce fait, il devrait y avoir plein d'obédiences régulières et pourtant, la GLUA qui délivre les attestations de régularité, n'a reconnu pour le France que la GLNF.

 

La Grande Loge Nationale Française(GLNF) a été créée en 1913, basée sur la régularité de la Grande Loge Unie d'Angleterre telle qu'elle fut définie en 1929 et dont j'ai parlé plus haut. Après le Convent de 1877 du GODF, la bataille que l’Église mène contre la franc-maçonnerie, de nombreux catholiques quittent le GODF.

En 1911, Edouard de Ribaucourt réveille une Loge du GODF, le Centre des Amis, avec autorisation d'invoquer le GADLU et patente au rite écossais. Mais le GODF lui envoie une nouvelle patente sans mention du GADLU et c'est la rupture.  « Le Centre des amis » s'érige en nouvelle obédience, La Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et ses Colonies »,vite reconnue par les Anglais. Elle prend son nom actuel en 1948. Jusque vers les années 60, elle accueille surtout des anglo-saxons stationnés en France. Elle ne se développe vraiment qu'après la scission de 1964 de la Grande Loge de France.

En 2011, c'est la deuxième obédience de France de par son nombre : 1400 loges qui regroupent 44 000 Frères.

Sa politique de recrutement est régulièrement critiquée, serait trop liée aux « affaires » qui agite l'obédience, particulièrement, dans le sud de la France.

L'autoritarisme d'un Grand Maître et la violence de sa réponse à la contestation de certaines loges conduisent celles-ci à faire appel à la justice qui conclue à la nécessité d'une nouvelle Assemblée Générale et qui nomme un administrateur judiciaire. La médiatisation de cette affaire conduit la GLUA , ainsi que d'autres Loges européennes à suspendre toute relation avec la GLNF et à lui retirer toute reconnaissance.

En mars 2013, la GLNF ne compte plus que 26 200 membres.

 

En septembre 2012, La GLUA , précédée par 5 Grandes Loges européennes, suspend sa reconnaissance de la GLNF, en raison de son implication dans de nombreuses affaires, du mélange des genres (soutien officiel du Grand Maître à la candidature de Nicolas Sarkozy) et du caractère autoritaire de ses dirigeants.

Des membres de la GLNF décident de créer deux nouvelles obédiences :

 

La Grande Loge de l'Alliance Maçonnique Française : (GLAMF)

Créée le 28 avril 2012. Forte de 5000 membres en 2012, elle en compterait autour de 20 000 aujourd'hui. Avec l'aide d'autres Loges régulières européenne, elle vise la reconnaissance de la GLUA. Elle a créée des maisons des rites sous l'autorité du Grand Maître, et permet à ses loges de travailler au rite de leur choix parmi six rites (Rite Écossais Ancien Accepté, Rite Écossais Rectifié , rite Émulation, rite Français, rite d'York, rite standard d’Écosse.

 

La Grande Loge Indépendante de France (GLIF) :

Créée le 12 janvier 2013. Ses membres fondateurs ont attendu le retrait de la reconnaissance de la GLNF par Londres.

 

 

B. La Maçonnerie traditionnelle :

Issue de la Maçonnerie régulière ou suivant ses « règles » mais étant signataires de ce qu'on appelle « La Maçonnerie Française », membres de l'Institut Maçonnique Français.

 

La Grande Loge de France, dont j'ai déjà parlé. J'ai dit qu'elle a failli fusionner, à la Libération, avec le GODF.

A la suite de cet échec, elle a cherché à se rapprocher de la GLNF. Mais cette fusion ne s'est pas faite non plus, car cela aurait impliqué une rupture totale avec le GODF. En 1964, la signature d'une convention avec le GODF entraîne le départ de nombreux Frères vers la GLNF.

La Grande Loge de France est une fédération de Loges travaillant toutes au Rite Écossais Ancien Accepté. Elle se considère comme une obédience régulière, puisqu'elle travaille à la gloire du GADLU, laissant à ses membres la liberté de le définir. Les maçons y font des planches plutôt symboliques et travaillent des questions à l'étude des loges (parfois sociales). Un convent annuel réunit les délégués de 800 Loges. La GLF a une revue trimestrielle, organise des conférences et des colloques. Avec ses 30 000 Frères, elle est très active.

 

La Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra

Cette crise à la GLNF n'est pas la première. En 1958, des Frères, qui estiment important d'avoir des relations avec le reste de la franc-maçonnerie française, fondent « La Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra ». Pourquoi Opéra ? Parce qu'au début, c'était GLNF-Opéra, du nom de la station de métro la plus proche de leur lieu de réunion.

La GLTSO compte 4500 membres dans près de 300 loges. Elle travaille à la gloire du GADLU, est masculine, pratique officiellement le Rite écossais rectifié, ne reçoit pas les femmes.

 

La Loge Nationale Française

Il s'agit d'une toute petite obédience, créée en 1968, issue de la fusion de 3 loges de la GLTSO. Elle compte 300 membres répartis dans 25 loges et possède 8 loges d'études et de recherche. Elle ne cherche pas à grandir. Son seul but, je cite, est « d’approfondir les sources historiques et les fondements de la tradition maçonnique et ceci, avec une structure administrative réduite ».Elle travaille avec 3 rites, le rite français traditionnel, le Rite Écossais Rectifié, le rite émulation. Elle vient de rompre ses relations avec la Grande Loge de France.

 

Le Grand Prieuré des Gaules :

Il a été créé en 1935, regroupant de francs-maçons chrétiens. Il s'est rattaché à la GLNF entre 1958 et 2000. Il a depuis récupéré son indépendance. Il regroupe un millier de frères répartis en une cinquantaine de loges. Le Grand Prieuré des Gaules, organisation maçonnique et chevaleresque a pour fondement la Foi en Dieu.

 

Je m'arrêterai là, pour l'énumération.

 

Maintenant, il faut savoir que depuis le 15 juin 2013, il y a une Confédération Maçonnique de France, créée par 4 obédiences, la GLDF, la GLTSO, la GLAMF et la GLIF et ce, à l'initiative de la GLDF qui répondait ainsi à l'appel de Bâle signé des cinq obédiences européennes qui ont démis la GLNF.

Voici un extrait de cet appel de Bâle :

Parmi tous les acteurs potentiels de ce processus de recomposition un rôle majeur pourrait revenir à la Grande Loge de France que les cinq Grandes Loges estiment depuis longtemps avec considération en raison de la qualité des frères qui la composent et du travail rituel qui y est accompli. Elles savent que depuis toujours la volonté de rejoindre la chaîne universelle régulière y est vivace.

Les cinq Grandes Loges considèrent donc qu'une chance historique est venue pour cette Grande Loge de concrétiser cette aspiration en assumant tous les choix que cela implique, à savoir en particulier :

- de continuer à œuvrer dans le respect des principes fondamentaux de la Franc-maçonnerie régulière ;

- de rompre sans ambiguïté avec les Obédiences non régulières;

- d’observer les us et coutumes internationaux en vigueur entre une Grande Loge et un Suprême Conseil. Les cinq Grandes Loges s’engagent à la soutenir et à la conseiller dans une telle démarche et se déclarent partant prêtes à entamer les négociations avec elle en vue, le cas échéant, de sa reconnaissance future.

 

Et voilà la situation actuelle : deux obédiences, La GLDF et la GLTSO qui avaient des relations privilégiées avec la maçonnerie adogmatique, qui étaient membres, l'une comme l'autre de la « Maçonnerie Française », membres fondateurs de l'Institut Maçonnique Français, semblent vouloir quitter tout cela, pour l'hypothétique reconnaissance de la GLUA.

L'implication immédiate est l'interdiction de toute visite des uns aux autres.

 

A la création de cette Confédération, le Conseil de l'Ordre du GODF a publié en date du 29 juin 2012 le communiqué suivant :

 

Le Grand Orient de France a pris connaissance de la déclaration de la Grande Loge

De France du 13 juin 2012 qui, après la déclaration de Bâle, manifeste son désir et

son besoin de reconnaissance dans sa régularité. Le Grand Orient De France n'est

pas, à l'évidence, dans cette démarche.

 

Il ne tient sa régularité que de sa propre histoire et de celle de la maçonnerie. Il ne

brigue aucune reconnaissance d'autres institutions qui s'autoproclament gardiennes

de la « pure tradition de la franc-maçonnerie universelle » et érigent, comme ailleurs,

la pureté au rang d'un principe d'exclusion, d'opprobre, voire de rejet.

 

Cependant, le Grand Orient De France appellera, dans ce que certains imaginent

déjà comme une recomposition du paysage maçonnique français, l'ensemble des

frères et des sœurs, lesquelles sont exclues de facto de la « tradition maçonnique »,

à s'unir dans la diversité de leurs obédiences et de leurs rites, pour revenir à la

réalité et à la modernité de l'initiation et de ses fins.

 

Pour le Grand Orient De France, il ne s’agit de fonder quelque religion que ce soit

dans un modèle suranné qui a montré ses limites depuis longtemps, mais de

promouvoir dans une démarche humaniste, basée sur le respect de la diversité, une

méthode maçonnique qui peut fonder, à terme, une culture alternative pour nos

sociétés.

 

Car le but ultime n'est pas la satisfaction de quelques-uns dans la pratique des

« principes fondamentaux » de tel ou tel rite, mais bien la reconnaissance de la

dignité de tous les membres de la famille humaine.

 

J'ai envie de m'arrêter là, mais le suivi de l'actualité maçonnique m'oblige à rajouter que depuis, la Confédération a proposé que tout Frère adogmatique souhaitant visiter devrait signer un engagement en 7 points. Le GODF a réagi en précisant qu'il n'était pas question de signer quoique ce soit. La GLTSO semble vouloir faire marche arrière.

Ce qui est sûr, c'est que le dialogue n'est pas rompu entre la GLDF, la GLTSO et le Grand Orient.

Ce qui est encore plus sûr, c'est que le GODF a des préoccupations autrement plus sérieuses que ces querelles d'obédience.

 

Pour écrire cette planche, je me suis servie du Que Sais-je de Roger Dachez, Histoire de la Maçonnerie Française. J'ai visité Wikipedia en recoupant ses informations avec celles de Dachez, et celles diffusées par l'Institut Maçonnique Français, par toutes les obédiences dont j'ai parlé. J'ai découvert ainsi quelques petits arrangements, sans gravité, avec l'Histoire, celle des dates et celle des faits.

 

J'ai dit.

 

Mes sources :

Histoire de la Maçonnerie Française de roger Dachez

Dictionnaire de la franc-maçonnerie de Daniel Ligou

Wikipédia (portail de la franc_maçonnerie)

Consultation de tous les sites de toutes les obédiences citées

Site de l'Institut Maçonnique de France

Quelques blogs bien documentés (celui d'un frère du GODF,  «Sous la voûte étoilée», et celui de l'Express « La Lumière »

 

Mémento des sigles

 

AMF Association de la Maçonnerie Française

CMF Confédération Maçonnique de France (2013) regroupant

FFDH Fédération Française du Droit Humain

GADLU Grand Architecte de l'Univers

GLAMF Grande Loge de l'Alliance Maçonnique Française

GLDF Grande Loge de France

GLFF Grande Loge Féminine de France

GLFMM Grande Loge Féminine Memphis-Misraïm

GLIF Grande Loge Indépendante de France

GLMF Grande Loge Mixte de France

GLMU Grande Loge Mixte Universelle

GLNF Grande Loge Nationale Française

GLTSO Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra

GLUA Grande Loge Unie d'Angleterre

GODF Grand Orient de France

LNF Loge Nationale Française

 

 

800px-Plat maçonnique

 

 

Plat en faïence au décor maçonnique, Lyon, XVIIIe siècle, musée de la Grande Loge de France, Paris.

 

 

 

 

 

 

 

 

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