Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Notre Loge

  • : Lumières et laïcité
  • : Promouvoir la laïcité et la mixité au sein du monde profane et encourager la création de loges mixtes au Grand Orient de France
  • Contact

Pages

7 décembre 2017 4 07 /12 /décembre /2017 14:35

C’est parce que ce sujet nous concerne tous, de près ou de loin, au passé, au présent ou au futur, que je choisis de vous présenter ces personnes, que l’on appelle communément « les aidants ». Je construis ma planche en m’appuyant sur le travail réalisé par l’Association Française des Aidants. Je tisse des passerelles entre l’engagement maçonnique et l’engagement de l’aidante que je suis, pour conclure par une question ouverte à notre réflexion.

 

 

Dans une 1ère partie je vous propose quelques définitions et quelques chiffres :

En 2010, une étude officielle de la Direction de la recherche, des études, de  l’évaluation et des statistiques (DREES), évaluait le nombre d’aidants à 8,3 millions. Plusieurs études ont été menées depuis par des fondations ou des assureurs, elles évaluent  le nombre d’aidants à 11 millions en 2016. 76 % de ces aidants sont des femmes de plus de 60 ans. Ce chiffre est en constante augmentation du fait de l’allongement de l’espérance de vie, de l’amélioration des soins et du maintien à domicile. Pour autant, bien que conséquent, il est certainement très en dessous de la réalité. En effet, il ne tient pas compte, de tous ces jeunes, qui accompagnent un parent, un grand parent et qui sont également en situation d’aidants.

Cette solidarité mise en place par les personnes qui accompagnent au quotidien un proche de son entourage en situation de maladie ou de handicap, à tous les âges de la vie, n’est pas un phénomène nouveau, elle existe depuis la nuit des temps, elle n’avait pas de nom, elle existait tout simplement.

On nous propose aujourd’hui plusieurs définitions du terme « Aidant ». Définitions issues des sciences humaines, sociales, économiques. Toutes mettent en lumière le caractère régulier et non professionnel de l’aide.

L’aidant familial, est le terme le plus employé par les professionnels. En effet, 8 aidants sur 10 sont des membres de la famille. Il existe néanmoins une partie non négligeable, 1 aidant sur 5, qui sont des amis, des voisins.

La Confédération des Organisations Familiales de l’EU (COFACE) dans sa Charte défini l’aidant familial comme : « La personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne. Cette aide régulière peut être prodiguée de façon permanente ou non et peut prendre plusieurs formes, notamment nursing, soins, accompagnement à l’éducation et à la vie sociale, démarches administratives, vigilance permanente, activités domestiques.»

 

Mais on parle également :

D’aidant naturel, ce qui renvoit à l’obligation morale, alimentaire inscrite dans le Code Civil (articles 205 et 206).

D’aidant informel, qui est utilisé en opposition aux intervenants professionnels, du registre du soin, de l’aide et de l’accompagnement.

Du proche aidant, qui est un terme nouveau, employé pour la première fois dans le texte de loi de l’Adaptation de la Société au Vieillissement (ASV) de 28/12/2015. Il renvoie à la notion fondamentale de proximité dans laquelle vient se loger le lien et l’aide à l’autre.

 

Au-delà de ces définitions et des critères objectifs tels que l’origine et la nature de la situation d’aide, la fréquence et la durée de l’aide apportée, le lien de proximité avec la personne accompagnée, le linguiste Alain REY2 met en lumière, dans une interview réalisée par l’Association Française des Aidants, que le verbe « aider » en latin « adiutare » signifie « apporter de la joie ». Selon lui, l’explication la plus satisfaisante serait : « aller vers la joie pour se rapprocher d’une situation où les choses sont non seulement supportables, mais positives ».

Une définition qui nous reconnecte au sens premier du mot et qui dépasse la vision instrumentale dans laquelle on l’enferme parfois.

Alors, chacun est libre de s’approprier ou non ce mot « AIDANT », de l’apprécier ou non, de trouver qu’il fait écho ou non à son expérience personnelle, de souhaiter se présenter comme tel ou non. L’important est plutôt de savoir qu’il existe, ce qu’il signifie et ce qu’il permet. Il ne doit, en aucun cas, devenir une étiquette dans laquelle on nous enferme. En effet, il existe autant de façon de vivre l’expérience d’accompagner un proche, qu’il existe d’aidants.

 

S’il est facile pour certain de mettre une date à partir de laquelle il est devenu aidant, pour beaucoup, cela arrive insidieusement. Dans tous les cas, il est impossible de connaître la durée et les limites de cette aide.

2 indicateurs peuvent toutefois contribuer à réfléchir à ces limites :

  • La santé physique, psychique et sociale qui peut affecter la relation d’aide. En particulier quand l’aidant met de côté ses propres besoins.
  • La mise à mal de la relation initiale d’époux (se), d’enfants, de frère … d’ami etc

 

Selon Brigitte Hasler sociologue, formatrice pour l’Association Française des Aidants, je cite : « Quand la maladie ou le handicap s’immiscent dans la relation avec notre proche, on se retrouve dans une situation difficile, que l’on n’a pas choisie.

Chaque aidant tente alors de faire au mieux, avec ses propres ressources, en s’appuyant sur ses représentations de la situation, qui sont le fruit de ses expériences, d’exemples autour de soi, de ses valeurs, de ses connaissances, de sa culture.

Si l’aidant et l’aidé sont en dépendance l’un vis-à-vis de l’autre, c’est cette dépendance qui crée la richesse des liens humains. Pour autant, il convient d’être vigilent pour que ce lien ne se réduise pas à la seule contrainte de la situation. Il doit permettre à chacun de préserver son autonomie, c’est à dire la capacité de faire ses choix. »

Sur la route de la relation d’aide et de l’accompagnement, l’aidant, avec des familles de plus en plus souvent recomposée et/ou géographiquement éloignée, se retrouve souvent seul et démunis, devant faire face à une multitude de problèmes à résoudre, alors commence le parcours du combattant pour trouver les réponses à de nombreuses questions : Où trouver de l’aide pour mieux comprendre et appréhender l’évolution de la maladie ? Comment financer telle ou telle dépense nécessaire à l’aménagement du lieu de vie ? Mais aussi, comment communiquer avec son ou ses proches, avec les professionnels ?

 

Pour faciliter le dialogue entre les aidants et leur proche, entre les aidants et les professionnels, chacun doit apprendre à reconnaitre l’autre. Se pose alors, la question essentielle de la reconnaissance qui n’est pas seulement un but, en soi, mais aussi un chemin. La reconnaissance du rôle et de la place des aidants dans la société ne passe donc pas uniquement par les textes de loi.

Dans son dernier livre  « Parcours de la reconnaissance », le philosophe Paul RICOEUR3 remarque, qu'on ne désire pas une reconnaissance vide mais la reconnaissance de nos aptitudes, de notre utilité, de notre spécificité.

Selon Alain REY, ce mot « reconnaissance » réunit plusieurs notions.

Une intellectuelle et une affective et morale. « Reconnaître » dit-il, c’est connaître avec un préfixe qui lui donne plus de force, qui fait référence à la mémoire. On a connu quelqu’un, on n’a cessé de le connaître, on le reconnaît une deuxième fois. Reconnaître quelqu’un c’est donc à la fois le distinguer parmi les autres, c’est à la fois être capable de lui assigner son rôle et respecter ce rôle parmi tous les rôles sociaux, mais c’est aussi manifester de la gratitude.

 

Selon l’Association Française des Aidants, il n’existe pas de définition univoque ou de mode d’emploi de la reconnaissance. Néanmoins, se reconnaître en tant qu’aidant peut être une invitation à :

  • Avoir conscience de la contribution à l’humanité que l’on apporte, et la valeur de cette contribution.
  • Prendre la mesure de ce que cette expérience implique pour soi, dans la relation au proche accompagné, dans sa santé, dans son quotidien, dans la vie en général. Car cette expérience est tout sauf anodine.
  • Réaliser que les droits, les dispositifs et les actions qui concernent les aidants peuvent s’adresser à soi et que, lorsqu’ils font sens pour nous et qu’ils nous sont accessibles, il nous est possible de les solliciter.
  • Signifier enfin aux autres que l’on est en situation d’aidant, car il n’est pas facile pour le proche accompagné, pour l’entourage, pour les professionnels de l’aide et du soin, pour les collègues de travail de prendre la mesure de ce que cela représente. En effet, qui peut savoir à ma place la manière dont je vis au quotidien, les difficultés et les richesses que je rencontre dans ce quotidien.

Alors, se reconnaître, être reconnu, se sentir reconnu dans un quotidien d’aidant, ce n’est pas rien ! C’est peut-être même une condition essentielle pour cheminer avec la personne que l’on accompagne, avec son entourage, avec les professionnels dans une situation équilibrée où chacun trouve sa juste place et son juste rôle. 

 

 

Quand on s’occupe d’une personne dépendante, on prend rapidement conscience que c’est toute l’organisation de sa propre vie qui sera modifiée. L’investissement personnel, souvent permanent peut, être de longue durée. Des études indiquent que les aidants aident en moyenne 60 heures par semaine sur une durée de 6 à 7 ans. C’est dire l’importance de leur rôle !

Dans un couple, aider l’autre semble normal. L’aidant n’a pas idée de demander du soutien. Or, plus les aidants consacrent de temps à la personne aidée, moins ils ont de temps pour eux-mêmes et ce manque de disponibilité les conduit souvent à abandonner ou à reporter leurs activités, à rompre avec leur environnement social et familial, voire professionnel. Si l’aidant n’y prend pas garde, il s’épuise, il s’isole, ce qui peut avoir des conséquences sur la qualité de l’aide apportée. Celle-ci se dégrade parfois jusqu’à devenir maltraitance.

Bien qu’il existe de nombreuses structures comme des associations, des CCAS, des caisses de retraite ou des hôpitaux qui organisent des rencontres, des groupes de paroles, des Cafés des Aidants®, il semble que 3 années soient nécessaires, en moyenne, pour parvenir à trouver les réponses, et les dispositifs locaux adaptés à chaque situation. Solution d’aide en direction de l’aidant, ou en direction de la personne aidée.

Je choisis de vous présenter plus précisément l'Association Française des Aidants qui depuis sa création en 2003, écoute et porte la parole des proches aidants. Elle a pour grands principes d’accompagner tous les aidants sans distinction liée à l’âge et à la pathologie de la personne accompagnée. De promouvoir une vision du rôle et de la place de l’aidant dans sa double dimension : le lien à la personne aidée et le lien à la société. Elle contribue à faire émerger la dimension sociétale de la thématique des aidants, au-delà de la dimension privée.

Cette Association se mobilise, entre autre, pour que les proches aidants restent en santé. En effet, de nombreux aidants en témoignent, accompagner au quotidien un proche peut avoir un impact sur sa santé, qu'il s'agisse de douleurs physiques, de stress, d'anxiété, de difficultés du sommeil.

Selon certaines études plus de 30 % des aidants décèderaient avant la personne aidée.

Cette année lors de la 8ème édition de la journée nationale des aidants du 06/10, la ministre de la Santé et des Solidarités Agnès Buzyn a appelé à "réveiller les consciences" sur le quotidien des aidants familiaux. "Sans les aidants, dit-elle, beaucoup de personnes âgées, handicapées, malades seraient dans des conditions de vie et dans des lieux de vie qui n'ont rien à voir avec ceux qu'ils ont actuellement".  Mme Buzyn a évoqué ces trois axes de travail : la formation des professionnels de santé, la reconnaissance des aidants dans la société, et leur prise en charge institutionnelle.

Avant de poursuivre sur la dimension sociétale, je vous propose, en transition, de découvrir les passerelles que je tisse, à partir de mon expérience personnelle, entre l’engagement maçonnique et l’engagement de l’aidante que je suis.

 

Ce sera ma 2ème partie :

Ce sont les phrases « Apprendre sur soi, apprendre de l’autre dans sa différence » et « Si tu diffères de moi …, loin de me léser, tu m’enrichis » qui trouvent le plus bel écho et évoquent l’essentiel de ces passerelles.

J’ai, en effet, la certitude que seul le travail sur soi permet de préserver une relation bienveillante et aimante, de maintenir cet équilibre si important pour poursuivre l’engagement. Prendre conscience de la force et de l’énergie que donne cette expérience permet de continuer à gérer la relation qui se transforme.

 

Si devenir Franc-Maçonne à Lumières et Laïcité a découlé d’un choix personnel mûrement réfléchi, devenir aidante n’a pas vraiment été un choix. Cela s’est imposé à moi, comme une évidence. Je suis devenue aidante parce que j’ai été confrontée à une situation contrainte par la maladie, le handicap et le grand âge cumulés, parce qu’il m’a été possible d’accueillir ma maman pour lui permettre de vivre dignement.

 

Dans un premier temps, j’ai agi sans penser aux conséquences que ma décision allait avoir sur ma vie, mais, j’ai très rapidement pris la mesure de mon engagement. Ma fille, ma mère et moi avons appris à partager notre quotidien sous le même toit, avec le passage régulier de l’ensemble des professionnels indispensables au maintien à domicile de maman.  

Il m’a fallu gérer l’ensemble de l’organisation et ma fille et moi nous nous sommes unies autour de mon engagement. Depuis 5 ans, j’ai la prétention d’affirmer que chacune a développé un supplément d’âme, qui nous permet d’évoluer en harmonie et faire face aux épreuves qui loin de nous séparer contribuent à renforcer nos liens de solidarité.

Pour ma part, j’ai modifié considérablement mon rythme. J’ai supprimé tout ce qui n’était pas essentiel. Suite à ma perte d’emploi, il m’a fallu apprendre à déconstruire mes représentations de la reconnaissance sociale.

Toutes les difficultés matérielles, physiques et émotionnelles que je traverse, m’apprennent à dire, m’apprennent à ajuster ma façon d’agir, m’apprennent à définir mes limites. C’est en constatant que la présence d’une personne supplémentaire aux côtés de maman avait des effets positifs sur son comportement, que j’ai accepté de déléguer d’avantage ce qui m’a permis de prendre du temps pour moi, pour me ressourcer, me reposer et concrétiser un vieux rêve enfoui, entrer en Franc-Maçonnerie.

 

Ce nouvel engagement m’a permis de rompre définitivement avec l’isolement dans lequel je m’étais insidieusement laissée glisser. Si l’accompagnement de maman contribue à me transformer, ce n’est qu’en construisant cette planche que ma réflexion s’est enrichie de la dimension sociétale de mon rôle.

Nous « aidants » de tous âges et de toutes catégories sociaux-professionnelles amenés à nous interroger, à nous confronter et à nous adapter pour concilier nos vies personnelle, sociale, familiale, professionnelle, et nôtre rôle d’aidant, apportons une contribution majeure à notre société et à notre humanité. Notre travail, encore si peu reconnu, représente plusieurs milliards d’euros par an. Cette facture serait lourde pour les pouvoirs publics si nous réclamions une rémunération pour notre travail quotidien. Alors vous en conviendrez, à lui seul, ce montant témoigne de la place centrale que nous occupons dans la société.

Une prise de conscience collective, tant au niveau local, qu’au niveau national est indispensable pour faire bouger les choses et réveiller les consciences. Les aidants, piliers du maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie, ne peuvent se satisfaire, de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement qui se contente d’introduire « le droit au répit » (aide maximale de 500€ / an permettant de financer un hébergement temporaire de la personne aidée).

 

Selon Florence Leduc la Présidente de l’Asso Française des Aidants  « Nous sommes face à un arbitrage entre solidarité familiale et solidarité nationale. C’est une vraie question sociétale et politique.» dit-elle.

 

Alors, j’en arrive à ma conclusion, où je me questionne et où je vous questionne, puisque tout le monde est concerné et / ou sera confronté, un jour, à cette situation.

Comment une planche peut-elle contribuer à sensibiliser le plus grand nombre pour qu’un jour le Grand Orient De France, s’empare de la thématique des aidants et l’inscrive en question à l’étude des loges ?

 

Je terminerai par une citation de Bertha von Suttner qui dit : «  Après le verbe « Aimer »,  « aider » est le plus beau verbe du monde.

 

 


 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires