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Notre Loge

  • : Lumières et laïcité
  • : Promouvoir la laïcité et la mixité au sein du monde profane et encourager la création de loges mixtes au Grand Orient de France
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15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 11:11

Léo Campion a eu ce mot inoubliable : « Quand on va chez des amis, on est certain de leur faire plaisir ; si ce n’est pas en arrivant, c’est en partant. »

Dérision ou sagesse philosophique construite sur l’expérience ?

Quand il y a dérision, il y a toujours des enchaînements de sens, variés et croisés ; comment ? Pourquoi ?

Par exemple, on pourrait parodier Léo Campion à propos des planches maçonniques ; on est toujours heureux lorsqu’elles commencent, ne serait-ce que parce que cela annonce la fin des ennuyeuses tâches administratives ou rituelles, et on est parfois satisfait lorsqu’elles se finissent …

Je ne sais pas ce que vous en penserez dans une vingtaine de minutes !

J’ai choisi ce sujet parce qu’il m’a semblé compatible avec l’esprit des Lumières, et peut être même consubstantiel ! Je vais proposer quelques pistes de réflexion.

 

J’avais envisagé de traiter ce thème pour faire mes adieux aux 9 Frères en Juin dernier car la querelle maçonnique de la mixité nous aura donné bien des opportunités de dériser de nos appels à l’égalité, à la fraternité, à l’humanisme, et à l’amour …

Ce n’est d’ailleurs pas fini, quand on voit comme certains s’agitent encore en coulisse, fiers des titres élevés qu’ils s’attribuent SGDG, c’est-à-dire Sans Garantie Démocratique du  GADLU.

J'avais pensé aussi qu’une planche distrayante sur ce sujet serait un challenge personnel, mais aussi et surtout un challenge collectif, car il n’est pas évident de pouvoir se livrer à une moquerie délicate et implicite, ou à une invitation fraternelle à l'autocritique, sans alourdir le contexte relationnel si fraternel de certains de nos ateliers. Bref, j’ai renoncé à cet acte qui aurait pu paraître dérisoire aux 9 Frères version 2011, et suis parti discrètement, sans faire mentir ainsi Léo Campion….

 

Dériser en Loge ne me paraît pas incongru, pourtant ! Ne prêtons-nous pas à faire rire les gens « normaux », je vise par-là les non-initiés, et pas seulement les candidats à la Présidence de la République,  nous tous ensemble ici, installés dans nos décors ?

A lire les journaux, en tout cas, nous faisons plus sourire qu'inspirer la terreur ou le respect.  Si nous prêtons à l’humour ou à l’ironie, ne pourrions-nous dériser ?

 

Le temple que nous bâtissons, il n’est jamais construit ! il n’y a pas de temple fini ; il n’y a que du travail !

Le chemin sur lequel nous allons, il ne mène nulle part ! il n’y a pas de destination finale , il n’y a que du voyage !

La vérité que nous cherchons, elle n’existe pas ! il n’y a que du doute et même la logique a ses limites !

Bref, notre vie maçonnique est confrontée à une forme de vacuité.

Est-ce que je dérise là ?

Ou est-ce que je philosophe ?

Cette vacuité est illogique pour nos références occidentales, mais elle serait naturelle pour un « oriental » pour qui, réaliser la vacuité des choses, c’est réaliser que rien n’est stable et définitif, que toute chose est en état de flux dynamique, que hormis le mouvement et la transformation, il ne reste rien…

 

La franc-maçonnerie est un produit de l’Occident, mais elle comprend cette approche et nous permet d’appeler transmission cette transformation. Au fond, la transmission, c’est la transgression de l’acquis pour permettre la transformation.

Voilà ce qui permet de placer quand même la franc-maçonnerie dans une posture universelle, et c’est probablement pour cela que je revêts cette « tenue » régulièrement  -je veux dire cet habillement-  depuis 38 ans ; c’est que je pense que ce n’est pas si risible, ou dérisoire, ou pas seulement.

 Alors, tentons de clarifier : de quoi parlons-nous à propos de dérision ?

 

D’après le dictionnaire de l’Académie Française, édition de 1932,  la dérision est une moquerie accompagnée de mépris. Elle se définit par :

   Rire au dépend de… ; ridiculiser, dénaturer, disqualifier, détruire…

 

Le rire est le propre de l’Homme d’après de grands philosophes.

 

Mais est-ce vrai pour la dérision, qui ne provoque pas toujours le rire, même quand elle le cherche ? En quoi est-elle propre à l’homme socialisé ?

Par exemple savez-vous qui a écrit : "Les hommes préfèrent rendre le mal que le bien car la reconnaissance est un fardeau et la vengeance un plaisir".

Eh bien, c’est Tacite ; un haut fonctionnaire, un historien, mais aussi un philosophe de par son observation de la société humaine contemporaine…

 

D’après la définition de l’Académie,  la dérision s’accroche à une idée de destruction,

Au passage, je note cette tendance savante et profane à parler spontanément de destruction plutôt que de dé-construction.

Cette idée de destruction nous invite donc à une première approche médicale.

Le rire de dérision se caractériserait pour les psychiatres par une connotation agressive, mortifère, destructrice, voire sadique, et pourrait être une expression de la pulsion de mort. On parle ainsi de l’auto-dérision du névrotique comme forme de masochisme.

 

 

Donc, sur un plan social profane, la dérision serait une forme d’expression psychotique, participant de l’auto-disqualification  du « malade ». Elle se traduit par :  

  * Annulation de la portée de ce qu’il dit, montre ou fait par la façon dérisoire de le faire.

  * Expression d’une chose et de son contraire ; ex : postures ou tenues  vestimentaires caricaturales, développement d’identités d’emprunt.

  * Création d’un malaise induisant une distanciation.

 

C’est amusant, car au fond, ces comportements psychotiques ne sont-ils pas proches de ceux d’un bon franc maçon en tenue, –je veux dire en loge ! - .

En effet, nos rituels ont pour but et vertu de créer de la distanciation, et nos symboles, ou plutôt notre praxis de la symbolique, a vocation à distinguer ou exprimer en toute réflexion le blanc et le noir.

 

 

Parmi les hypothèses formulées par des médecins sur la genèse du symptôme d’auto-dérision, j’ai noté ceux-ci :

   * Appareillage psychique défaillant,

   * Faible capacité « d’amortissement » des traumatismes et frustrations,

   * Impossibilité de faire baisser les tensions en produisant de l’imaginaire, du sens figuré, du symbolique

   * Absence de distinction claire entre « moi » et « non moi », par mauvaise intériorisation (appropriation en moi) de la réalité externe (le non moi), d’où :

   - difficulté à discerner ce qui vient du dehors et du dedans,

   - difficulté pour faire baisser les tensions émotionnelles,

 

A ce stade médico-scientifique, ou supposé tel, on peut comprendre que la dérision serait une forme de réaction spontanée à une difficulté de l’homme à vivre avec ses failles intérieures, ses appartenances multiples et forcément contradictoires. On comprend aussi les vertus thérapeutiques du travail symbolique en Loge pour rendre le franc-maçon plus sociable, je veux dire « meilleur ».

En tout cas, ceci légitime l’idée que la dérision authentique est une auto-dérision, ou du moins une dérision visant les groupes ou comportements auxquels on pense avoir des « appartenances ».

Dès lors que la dérision est liée à un état humain où le sujet se confronte à l’une de ses apparences ou existences sociales multiples, on peut se demander si ce n’est pas une réaction saine, une médecine douce de l’être, une initiation à l’autre en soi ; car comme le dit un de nos rituels, ne sommes-nous pas tous le même et un autre à la fois ?

 

Revenons à la définition académique de la dérision, qui oblige à distinguer 3 concepts cousins : humour, ironie, et dérision.

 

« L’humour est la politesse du désespoir. » a écrit Boris Vian.

L’humour permet en effet de mettre en évidence avec drôlerie le caractère ridicule, insolite ou absurde de certains aspects de la réalité, et ainsi de transcender une situation difficile, douloureuse, ou de pallier un manque, une carence.

Freud a écrit que l’humour est « un mode de pensée tendant à l’épargne de la dépense nécessitée par la douleur». L’humour ne vise donc les humains ou ne les met en scène que comme acteurs d’une situation.

 

L’ironie consiste à énoncer « ce qui devrait être, en feignant de croire que c’est précisément ce qui est ». L’ironie joue donc de l’illusion de la vérité ; elle affirme à la fois l’absolu et son anéantissement, la construction et la destruction : elle joue avec l’erreur, et crée ainsi une complicité entre l’ironiste et son lecteur ou auditeur.

Selon Bergson, l’humour serait l’inverse de l’ironie car il décrit « ce qui est, en affectant de croire que c’est bien comme cela que ce devrait être ».

 

La dérision est une voie plus oblique ; elle inverse complètement les valeurs pour bouleverser les constructions routinières, étouffantes et faire pressentir un nouveau « possible ».

Cette définition de la dérision ne vous rappelle-t-elle pas celle de l’initiation ?

 

Sur un plan collectif, la dérision est souvent présente dans les sociétés autoritaires.

Voici un exemple de dérision.

Récemment, dans un pénitencier africain, les prisonniers étaient placés en groupes dans des trous assez profonds, en fonction de leurs appartenances communautaires. Un inspecteur de l’ONU effectuant une visite pour s’assurer du respect  des droits de l’homme, a constaté que devant chaque fosse, il y avait des gardes armés pour empêcher les évasions.

Sauf pour l’une  d’elles où il n’aperçoit aucun surveillant ; elle est pourtant pleine de prisonniers. Devant son étonnement, et anticipant la question, le directeur de la prison lui déclare : « Ce sont des malgaches, ils se surveillent eux-mêmes. Dès que l’un tente de s’échapper, ses compatriotes se chargent de le ramener dans le trou ».

 

Eh bien cette blague est … malgache !  Comment la qualifier ?

Ironie pour les uns, s’ils ne se sentent pas impliqués ; humour pour les autres, s’ils  ne se croient pas concernés ? Impliqués, concernés, vous connaissez la meilleure définition comparative ; eh bien, dans l’omelette au jambon, la poule est concernée, mais le cochon est impliqué.

Là, je fais de l’humour, seulement.

En fait cette blague relève de la dérision !

Hélas, les malgaches n’ont connu que des régimes autoritaires, parfois sanguinaires, depuis la décolonisation. Les malgaches forment un peuple plutôt doux, peu enclin à la violence, mais plutôt au débat. C’est peut-être ce qui facilite le travail des dictateurs successifs et rivaux. Alors les malgaches résistent dans leurs têtes en dérisant d’eux-mêmes, faute de résister avec des armes.

 

Cela nous rappelle cet extrait du Discours de la servitude volontaire de La Boëtie : «  c’est ainsi que le tyran asservit les sujets les uns après les autres. Il est gardé par ceux dont il devrait se garder, s’ils valaient quelque chose. » La Boêtie, vous vous en souvenez, appelle à n’avoir ni Dieu, ni Maître, parce que la liberté est naturelle ; il ajoute : «  c’est pourquoi nous ne sommes pas seulement nés avec elle, mais aussi avec la passion de la défendre » !

 

Les Belges aussi aiment les blagues belges, bien que la Belgique ne soit pas une dictature ; mais la question provinciale les étouffe ; elle exerce une quasi-dictature sur les esprits. Dériser leur offre une capacité de résilience sinon de résistance.

D’autres peuples aiment la dérision … Réfléchissez auxquels, et demandez-vous sous quel régime institutionnel, et souvent confessionnel, ils vivent.

 

Quand il y a débat, surtout public, il est de bonne guerre de faire rire ce public. Et surtout dans les sociétés ou les collectivités où on ne rit pas normalement ; c’est vrai qu’on ne rit pas toujours dans nos tenues, quand beaucoup trop se prennent au sérieux, mais on ne peut en déduire que les Loges sont soumises à une autorité trop autoritaire … Là, je dérise … mais je répète ; la dérision est dans la distanciation.

 

Revenons aux sociétés vraiment  totalitaires, aux collectivités autoritaires ; pour les « soumis », pour les peuples, la dérision y est une déconstruction salvatrice, une résistance à la douleur d’y vivre, un appel à l’évasion sinon à l’espérance. Elle est un bon moyen d’extirper la frustration sociétale, pour chaque individu comme pour  la communauté ou le peuple.

 

On dérise donc plus quand il faut subir plus d’autorité, et quand cette autorité n’est pas légitime. Dériser plus, pour résister plus, c’est finalement un programme populaire ! Partout !

Même en maçonnerie peut être ; l’an dernier, une très haute autorité maçonnique dans une lettre ouverte appelait à distinguer pouvoir et autorité, pensant sans doute ainsi guider certains frères dans leur approche de la mixité… Comprenez : le Convent a le pouvoir, mais l’autorité, c’est autre chose … suivez mon regard ! Apparemment, ce n’était pas de la dérision, ni de l’autodérision ; mais ça en avait le goût pour les amateurs … j’allais dire pour les initiés !

 

A ce sujet, il me semble que l’autorité vraie n’a pas besoin d’apparat, ce qui la garde de la dérision ; sauf si elle est en mission de représentation, bien sûr. J’ajouterais que les détenteurs d’une vraie autorité savent qu’elle ne peut être absolue ; ils prennent même souvent  soin de générer des contestations et des débats, en favorisant l’existence d’« imprécateurs », comme dans le fameux roman de René Victor Pilhes. Une  autorité se légitime en créant les conditions pour rester contestable et contestée, et dépasser cette contestation.

  

Les rois de France, dont le problème majeur, était finalement que leur pouvoir absolu pouvait les pousser à des erreurs fatales pour leur couronne faute de contestation officielle possible, avaient eu l’idée de se flanquer de Fous du Roi, pour qu’une distanciation émerge finement, aux limites d’une contestation légitime ; pour un Roi absolu, du coup immortel avant d’être mort, c’était une forme judicieuse de gouvernance ; mais, comme dans le roman de RV Pilhes,  n’était-ce pas aussi et d’abord une pratique inavouée de dérision appropriée ou discrètement maîtrisée, comme un élément de l’Art Royal ?

Alors, pour affronter sa condition mortelle quand on se veut ou apparaît immortel ou sacré, pour se protéger d’une imprécation fatale, ne faut-il pas de l’auto-dérision, quitte à se l’administrer par le moyen d’un autre soi-même, le fou de soi, le Fou du Roy !

Au fait, c’est le roi Salomon qui a dit : «  méfions-nous des tentations du pouvoir », en conclusion d’un débat avec … Hiram. Voilà qui légitimerait un degré de dérision parmi les 33 du rite écossais ; peut-être le 33ème pour éviter de blasphémer en créant le 34ème.

 

 

 

La dérision, puisqu’elle a une vertu salvatrice ou apaisante, peut-elle être une pratique systématique ?

 

A remettre tout en question, en dérisant sans raison ou sans objet, on deviendrait facilement hostile à soi-même, on se prendrait alors soi-même en dérision ; la dérision compulsive peut faire qu’on ne vit plus car on s’essouffle sur une détermination sans objet.

Des esprits se proclamant forts disent parfois que la vie est une immense dérision. 

Mais qu’est-ce que la vie, au-delà de sa définition biologique ?

Pour un rationaliste, la vie est probablement d’abord la seule antithèse de la mort, la seule lutte contre la disparition : la vie, c’est donc la Transmission.

 

La transmission est l’inculcation, à un être libre, de croyances incertaines. Elle est la raison d’être de la franc-maçonnerie. On transmet en effet ce qui, dans la tradition, est jugé digne de survivre, et ce contenu change avec le temps !

Le dernier homme, dans le monde ou une communauté, n’advient que lorsque la transmission devient impossible. La dérision a donc un rapport avec l’espérance, comme avec le doute.

 

A l’époque dubitative qui est la nôtre actuellement, mais qui bénéficie des progrès de la connaissance, du progrès technique et des avancées de la raison humaine, je vise notamment la philosophie des Lumières, l’ultime chose digne d’être transmise serait le doute lui-même !

Ce doute précieux, c’est en fait la liberté de choisir sa culture et son art de vivre.

 

La dérision apporte le doute, ou le porte, mais elle n’est pas le doute ; elle dé-scelle les croyances jusqu’aux plus petites certitudes ; elle se jette sur elles et les éloigne en les portraiturant en ridicule ; mais la dérision comme telle ne transmet que de la dérision : elle est rituel et non rite ; elle est vecteur de sens, mais pas sens.

La dérision est donc un moyen, une voie, un rituel sans rite.

Quand elle s'érige en mise en œuvre d'un rite, le mythe n'est plus loin.

Mais ce mythe serait forcément détourné et volatile ; il ne pourrait pas être authentiquement fondateur puisque il ne procèderait d'aucun sacrifice.

C’est le paradigme de la dérision. Alors que toute transmission n’a de raison d’être que par l’espérance pour la reconstruction, la transmission qu’elle emporte est un retour au chaos ; elle déconstruit et laisse un chantier d pierres brutes que chacun taillera à sa façon.

 

Pour certains esprits forts, la dérision ne peut donc pas être une forme moderne d'espérance, mais elle peut être un rituel d’appel à l’espérance perdue. Et pour nous francs-maçons, cette espérance perdue serait l’amour symbolique et fraternel. Alors faut-il dériser pour aimer ?

 

Pour rester dans la dérision, surtout vis-à-vis de mes propres réflexions, je pourrais faire valoir que la dérision  permet de s'arracher à l'immobilisme ou à la réalité, et de projeter une autre façon de voir, de se voir. Elle est donc refondatrice, si elle est suivie de volonté de construire, donc d’espérance.

 

Elle permet de réduire nos fractures intérieures. Elle est donc l'ennemie des identarismes.

C’est pourquoi elle est résistance spontanée aux totalitarismes. Elle sert l’universalisme parce qu’elle procède le plus souvent de comparaisons ou allégories.

 

La dérision est donc forcément pacifique, même quand elle est cruelle !

C’est pourquoi elle est une arme constante contre les totalitarismes et les dogmes, parce qu’elle est transgression à l’origine, et parce qu’elle ne peut être que pacifique et humaniste.

Et la dérision a une vocation universaliste

 

J’aimerais conclure en pointant que la dérision n’a de sens que si elle se décline en blanc et noir, c-a-d qu’elle doit bien s’accompagner d’autodérision pour prendre toute son efficacité sinon son sens.

Parfois, le rite est si prégnant qu’on ne peut pas auto-dériser sans trop choquer, sans risquer le blasphème ! Il faut donc réduire les effets de transmission  par "transportation" de la dérision.

D'où la nécessité de l'imprécateur en matière de rites profanes et citoyens !

En ce domaine, d’ailleurs, dérise-t-on des hommes ou des pouvoirs ? Des personnes réelles, ou des  personnes composées ?

Des postures ou des positions ?

 

En fait, l’autodérision ne consiste pas à se moquer de soi en tant qu'être, mais en tant qu' « étant »... elle vise à radiographier pour les maîtriser des comportements décalés ou spécifiques, ou irrationnels ... C’est ainsi qu’on dérise par rapport au rationnel ou au normatif; d'où le rapport de la dérision au pouvoir et non à l’autorité.

 

Je vais donc conclure en me référant à l’actualité des totalitarismes et du sacré ; au hasard, parlons du Moyen Orient et de l’Islam reconquérant.

Les Egyptiens n’avaient pas attendu le 25 Janvier 2011 pour développer un humour à usage politique. Ils étaient déjà réputés pour les « nokat » ; ce sont des blagues qui disent ce qui ne peut s’exprimer plus directement. Le mouvement révolutionnaire leur a donné un regain de vigueur, et pendant la révolte de la place Tahrir, les bons mots et les pancartes truffées de traits d’esprit étaient partout présentes.

Ce sens de la dérision est une réponse universelle à la violence aveugle, au sens strict, de la répression. L’humour politique a animé cette révolution, comme il fut présent partout chez nous en Mai 68, et n’a pas joué seulement le rôle d’exutoire. C’est aussi une manière d’encourager la détermination des protestataires et de donner du sens et une arme supplémentaire à leur mobilisation, en faisant rire de l’adversaire.

Voilà pourquoi les tenants des « sacrés », civils ou mystiques, veulent éradiquer la dérision, et du même coup, tout humour. Et pourquoi ils assassinent, emprisonnent, ou incendient, même dans la France contemporaine, s’attaquant aux journaux ou aux théâtres… en attendant pire pour contrôler nos consciences, car l’essence des  totalitarismes est de vouloir tout contrôler, les corps, les esprits , et même les inconscients qui sont si sensibles à la dérision.

Voilà pourquoi, le droit de dériser, de caricaturer, de moquer, est un acquis bimillénaire, mais érigé en droit et devoir humain par les Lumières, et qui doit être défendu en toutes circonstances, surtout par les francs-maçons

 

                                                 J’ai dérisé, et dit

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