Depuis plusieurs années la Franc-Maçonnerie a mis en œuvre une politique de recrutement très large, sous tendue par une volonté d’ouverture vers la société profane. Nous ne sommes pas une organisation secrète, nous sommes une organisation discrète, dont les devoirs majeurs, demeurent « répandre sur l’ensemble de l’univers les connaissances acquises, rassembler les personnes de haute valeur morale et construire le temple de l’union. »
Puisque nous analysons et comprenons les questions sociales, nous devons nous ouvrir à toutes les composantes de la société. Autrement dit la Franc-Maçonnerie doit être à l’image de là où elle vit.
Toutefois cette ouverture impose la réussite. Les questions qui dérangent doivent donc être posées.
L’ouverture des tenues à plus de Soeurs et de Frères ne se réduit-elle pas parfois à une vulgaire opération comptable, générant des capitations supplémentaires ?
L’accueil de masse, positif au titre du brassage des métaux, est-il véritablement accompagné ?
La notion de classe sociale du monde profane, ne va-t-elle pas se reproduire au sein de nos Ateliers alors que notre mission et notre volonté sont toutes autres ?
Nos symboles seront ils en capacité de valoriser la multiplicité des éducations, des cultures, des expériences, accueillies pour enrichir la Franc-Maçonnerie ?
Celles et ceux qui nous rejoignent pour recevoir la lumière, pour avancer pour s’élever, se cultiver, ne vont-elles pas, ne vont-ils pas se retrouver abandonnés sur des colonnes, à écouter quelques orateurs bien pensant, les transporter via le mythe au pays merveilleux, du OUI OUI, de la belle au bois dormant, ou des stroumpfs, pour les faire rêver plutôt que penser ?
Il ne sera pas question ici de remettre en cause le rôle structurant de la mythologie, des contes et légendes, surtout lorsque l’esprit critique coexiste. Dans la présente planche, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne serait que le fruit du hasard.
La notion de mythe sera abordée dans les lignes qui suivent, avec une appréciation volontairement large, regroupant toutes les informations vérifiées ou non faisant appel tant à des connaissances qu’à l’imagination pour comprendre la vie. Ce que Henri PENA-RUIZ appelle les ‘’grandes légendes de la pensée’’. Pour lui, elles constituent un rite d’initiation, racontent la pensée et donnent des repères essentiels tirés des grands moments de la culture universelle, pour aider à la réflexion sur les choses de la vie. Leurs images et leurs récits aident ainsi à penser la vie, le monde et les grandes questions qui nous tourmentent.
Il en va ainsi de l’amour de TRISTAN et ISEULT, de l’envol d’ICARE, de l’aveuglement d’Œdipe, de CESAR et du RUBICON, du nez de CLEOPATRE… Et bien sur d’HIRAM, d’ISIS, du grand Architecte…Et de bien d’autres encore.
DESCARTES résumait bien cette finalité des mythes. ’’Il peut paraître étonnant que les pensées profondes se rencontrent plutôt dans les écrits des poètes que dans ceux des philosophes. La raison en est que les poètes ont écrit sous l’empire de l’enthousiasme et de la force de l’imagination. Il y a en nous des semences de science comme en un silex des semences de feu ; les philosophes les extraient par raison, les poètes les arrachent par imagination ; elles brillent alors davantage.’’
Il sera donc question de confirmer, ici et maintenant, que l’accueil de plus en plus de Frères et de Soeurs en nos Loges est un devoir pour nous, et une immense richesse pour l’humanité.
Cette planche rappellera que toute politique d’ouverture engendre une stratégie d’accompagnement volontariste des nouveaux arrivants. Les Maîtres ont une responsabilité énorme en ce domaine. Il faut sans cesse répéter la place du travail dans nos rituels, que le travail personnel est une obligation, et la formation des Apprentis une ardente nécessité. Lâcher les jeunes Franc-Maçons dans notre symbolique, nos mythes, nos rites, sans explications, sans leçons, sans travaux, pourrait vite tourner, au virtuel, à la déception, au scepticisme, voir au mysticisme. Laisser nos Frères et Soeurs partir seuls sur ces chemins serait plus qu’une erreur, ce serait une faute à notre mission d’émancipation. Nous n’avons pas le droit de laisser le mythe devenir une mite qui irait creuser ces galeries dans des cerveaux perturbés par la Franc-Maçonnerie.
Cette planche insistera sur le lien entre le monde profane, et les discours de quelques Franc-Maçons, qui oublient de plus en plus de laisser leurs métaux à la porte du temple, ne pensant l’espace d’une tenue qu’à compléter leurs réseaux d’influence, quitte à préférer les mots et les idées de leurs carnets d’affaires à nos mots, signes et attouchements.
Le danger semble réel aujourd’hui, vu l’état de monde profane, sans repères, sans pensée, si ce n’est la pensée unique. Ce qui arrive dehors risque, si nous n’y prenons garde de nous envahir également.
J’entends déjà ici ou là en nos Ateliers. le vocabulaire des puissants et les arguments de la soumission, en un mot après le politiquement, voici le « maçonniquement » correct. Et pourtant nous savons bien que la vie dehors est avant tout un rapport de force. BOURDIEU l’a bien montré, les classes sociales n’ont jamais été aussi présentes, les exploités aussi nombreux, avec la violence comme régulateur. Et pendant ce temps là, les effectifs de la Franc-Maçonnerie croissent pour une humanité toujours meilleure et plus éclairée.
I - EN DEMOCRATIE RIEN N’EST JAMAIS ACQUIS
En démocratie rien n’est jamais acquis, seule la compréhension de l’environnement, des relations de pouvoir entre les hommes, notions acquises par la réflexion, le travail en Loges, grâce à nos outils émancipateurs, grâce à la lumière, à la culture, permettent la vie ensemble.
Ce qui se passe dans le monde profane nous préoccupe, les questions à l’étude des loges en témoignent, mais rien de ce qui arrive n’est le fait d’un conte de fées. Il est l’œuvre d’humains voulant soumettre d’autres humains.
Aujourd’hui l’unanimité est faite par et pour la loi du profit, donc pour la loi du plus fort. ‘’Quand le gros maigrit, le maigre meurt’’ disait Mme TATCHER.
Il faudrait donc que le riche s’enrichisse afin que le pauvre ne meurt point. Voilà pourquoi le pauvre doit aimer le riche et surtout le gros riche. Mais de nos jours les riches ont ils encore besoin des pauvres ? Pas sûr. En effet, jadis les pauvres vendaient leur sueur, leur corps, et leur force de travail, tout cela était indispensable à qui voulait s’enrichir ? Le riche devait ménager le pauvre, car il pouvait mordre, le riche, devait se montrer social.
Mais ces salauds de pauvres ont abusé, ils ont extorqué des avantages prohibitifs qui ont conduit à la crise, au chômage et aux restructurations douloureuses… Le riche de maintenant n’a plus besoin de pauvres sauf pour le faire consommer. Et le pauvre de maintenant veut consommer comme le riche, qui lui l’a bien compris et qui met en actes le conseil d’Alphonse ALLAIS ‘’ il faut prendre l’argent là où il est, chez les pauvres’’.
En faisant consommer le pauvre, le riche s’enrichit, il se moque totalement de favoriser la transformation du citoyen en consommateur. Vive l’argent, le libre échange, la chance, le rêve. Chacun peut s ‘enrichir désormais, la compétition est ouverte, que le meilleur gagne ! Et que les perdants perdent.
Ainsi, les transformations économiques du denier quart de siècle qui ont engendré les transformations sociales, affectent inévitablement l’être humain.
Ces mutations ne sont pas le fruit du hasard. Si, à partir des années 80, les décideurs et les médias du monde occidental ont presque toujours interprété les situations de ‘’crise’’, c’est que tout un travail idéologique était intervenu au préalable, c’est que les solutions alternatives au marché avaient été détruites afin qu’il n’y ait plus d’alternatives.
D’autres interprétations auraient suggéré d’autres remèdes, mobilisé d’autres forces sociales, débouché sur d’autres choix. La mondialisation, on dira maintenant la globalisation, le mot n’est pas innocent, fut un long labeur intellectuel de construction de la ‘’seule politique possible’’ qui favorisera la symbiose sociale entre les principaux architectes d’un bout à l’autre de la terre.
Inspirés par des théoriciens de l’université de Chicago, dont l’influence sera considérable au Chili, en Grande Bretagne et bien sur aux Etats Unis, les doctrines économiques libérales vont encourager les classes dirigeantes à durcir leurs politiques, à passer d’un système d’économie mixte acceptant une certaine redistribution des revenus à un capitalisme orienté par les seuls verdicts de la finance. Les artisans de cette métamorphose en tireront un avantage considérable; mais pour la plupart, ce sera le grand bond en arrière, pour parler comme Serge HALIMI, journaliste au Monde diplomatique.
Pour réaliser ce grand mouvement de reféodalisation du monde, il faut aux maîtres des serviteurs, des serfs, non plus corvéables au sens historique, mais utiles et surtout d’accord pour participer à leur propre exploitation en devenant des consommateurs zélés. Manipulés, ils acceptent la soumission.
Pierre BOURDIEU dans son livre ’’Contre-feux’’ démontre comment la soumission aux lois du marché n’est pas le destin des sociétés mais bien un choix de société. Ignacio RAMONET dans ‘’géopolitique du chaos’’, nous dit comment la promesse du bonheur n’est plus un projet de société mais un produit.
Alors que triomphent en apparence la démocratie et la liberté, les censures et les manipulations font un retour en force. De nouveaux et séduisants ‘’opiums de peuple’’ proposent une sorte de ‘’meilleurs des mondes’’, détournant les citoyens de l’action civique et revendicatrice.
Dans ce nouvel âge de l’aliénation, les technologies de la communication jouent un rôle central. L’opium du pauvre aujourd’hui c’est la télévision, et les jeux vidéos. Les premiers touchés sont toujours les plus exposés, les exclus de toute nature, un lumpenprolétariat d’aujourd’hui fait d’échec scolaire, d’ignorance, de reproduction sociale, d’incapacité à comprendre le monde…
Le capitalisme s’accommode très bien de ce que MARX appelait le Lumpenprolétariat. D’ailleurs le rédacteur du capital ne se faisait aucune illusion à son sujet. Voilà comment il le qualifiait : éléments déclassés, voyous, mendiants, voleurs, etc.…il est incapable de mener une lutte politique organisée ; son instabilité morale, son penchant pour l’aventure permettent à la bourgeoisie de l’utiliser comme briseurs de grève, membres des bandes de pogrom ; etc.’’
II – SOMMES NOUS MANIPULES ?
Sommes nous manipulés? La réponse est affirmative. D’après I. RAMONET, dans son autre livre ‘’propagandes silencieuses’’ celui-ci montre comment se fabrique l’idéologie, comment se construit la silencieuse propagande qui vise à domestiquer les esprits, à violer les cerveaux et intoxiquer les cœurs.
A l’aide d’exemples puisés dans la télévision et au cinéma, il nous explique les mécanismes et les procédés d’endoctrinement contemporain. Comment sans que nous nous en apercevions les nouveaux hypnotiseurs entrent par effraction dans notre pensée et y greffent des idées qui ne sont pas les nôtres !
Ainsi dans nos sociétés médiatiques, un enfant de quatre ans, avant même d’entrer à l’école, a déjà été soumis à quelques milliers d’heures de télévision et a gavé ses yeux de suggestions qui vont perdurer. Car toutes ces images : spots publicitaires, films catastrophes, scènes violentes… laissent des traces subliminales dont l’influence à la longue, peut déterminer les comportements.
La démocratie est en danger, le travail de sape dépossède le citoyen de tout pouvoir politique et le peuple de toute souveraineté. Les intérêts économiques des puissants et la passivité des esprits, nous entraîne à vivre et à penser comme des porcs, selon l’expression de Gilles CHATELET. Pour lui nous sommes passés de ‘’la chair à canon à la chair à consensus’’. On ajoutera, s’agissant des petits, que nous passons de ‘’l’enfant roi à l’enfant proie’’. Les libéraux n’ont-ils pas baptisé une de leurs émissions ‘’les enfants de la télé’’.
Pour parvenir à leurs fins, les libéraux de l’économie globale ont choisi la méthode douce, comme le consensus mou. Dormez braves gens on s’occupe de tout. Loin des rapports de domination brute à l’ancienne, le nouveau capitalisme met en place une chaîne invisible.
J’aime cette citation de Raoul VANEIGEM ‘’Le désordre permissif est pour les capitalistes d’aujourd’hui plus rentable que l’ordre moral d’hier’’.
En effet, le système est merveilleusement efficace, cette chaîne invisible est auto-entretenue par ceux qu’elle aliène. Les libéraux du XXI siècle ont réussi ce que LA BOETIE dénonçait déjà au 18 ème siècle, la servitude volontaire.
L’art de réduire les têtes comme dirait Dany-Robert DUFOUR est en marche. Pour lui, après l’enfer du nazisme et la terreur du communisme, il est possible qu’une nouvelle catastrophe se profile à l’horizon.
Cette fois c’est le néolibéralisme qui veut fabriquer à son tour un ‘’homme nouveau’’. Tous les changements en cours induisent des changements dans la vie des hommes, mais surtout dans la vie des jeunes générations qui vont se trouver face aux nouvelles façons de consommer, de s’informer, de s’éduquer, de travailler, et plus généralement de vivre avec les autres.
Tout est bon pour pousser le citoyen vers la consommation. Désormais les scientifiques apportent leurs concours aux marchands, en décodant les rouages du cerveau humain, voici venir le neuromarketing. Le nazisme avait les médecins de la mort, les libéraux ont leurs neurobiologistes. Ces experts du cerveau vont les aider à décrypter les ficelles des décisions d’achat, et à trouver les moyens d’accroître l’efficacité des campagnes publicitaires. Ce mouvement est né bien évidemment aux Etats unis, et étend ses collaborations.
En France le psychologue Olivier KOENIG dirige à Lyon le laboratoire « Impact mémoire », pour selon lui ‘’définir, dynamiser, harmoniser les forces mémorielles d’un logo, d’un packaging, d’un message publicitaire, ou d’un média’’.
On retrouve entre autres clients de ce cabinet : Nestlé, SFR,…mais aussi le Monde, mais surtout le syndicat de la publicité télévisuelle, dont la présidente est Claude COHEN qui est aussi présidente de TF1 publicité. Ce cabinet a confirmé que 56 % des messages publicitaires s’incrustaient grâce à la télévision dans le cerveau des téléspectateurs.
‘’Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible’’ reconnaissait le bien nommé LELAY, PDG de TF1.
Et voilà, la boucle est bouclée. Ils sont vraiment redoutables ces libéraux économiques. Comme disait MIACHAVEL ‘’il vaut mieux utiliser la ruse du renard que la force du lion’’.
La télé, outil de manipulation, en ce lieu nous en sommes convaincus, mais dehors le drame continue. D’ailleurs une planche sur cette thématique serait bien utile. L’outil de manipulation est identifié, le système a besoin maintenant de sujets gobant ses informations. Ils les lui faut sans esprit critique, donc ignorants, possédant seulement les règles minimales pour recevoir.
Plus les hommes sont futiles et écervelés, plus ils sont faciles à manipuler. Ajoutons à cela que la plupart des humains sont faibles au niveau des émotions. Voilà encore un ressort des puissants ; agir sur l’émotionnel. La première des émotions capable d’exercer un empire extraordinaire sur les humains est la peur. Les maintenir en permanence dans la peur sert à les rendre très influençables.
III - Quand le mythe devient la mite ou quand réel et virtuel se confondent dans DES cerveaux mités !
Les cerveaux faibles prendront pour vraies les informations diffusées. Ils vont confondre réel et virtuel. Ainsi tous les films à fort dosage d’effets spéciaux entraînant dans d’autres mondes, sont peuplés de personnes virtuelles. Ils racontent des histoires irréelles qui vont devenir mythiques, et peut être même mystiques . D’ailleurs, une lettre de plus ou de moins chez les illettrés, quelle importance. Là encore la boucle est bouclée : images virtuelles, images magiques. Le charme facile, l’émotionnel, et le pathos ont triomphé.
Il y a plus dangereux encore avec les jeux vidéos et surtout leurs dérivés en réseaux, car ils immergent la chair à écrans, dans des mondes de la virtualité. Ils font communiquer avec des personnages virtuels, bousculant ainsi la relation au monde, aux signes et aux savoirs, et particulièrement à la raison.
Dans un récent article du Monde ‘’Drogués aux jeux virtuels’’, le chef su service de psychiatrie de l’hôpital de Marmotan, montre comment chez les 16-25 ans les univers parallèles fonctionnant en continu sur Internet, peuvent provoquer des addictions graves, et une vraie rupture avec le réel.
On trouvera ici le lien entre le mythe et la mite puisque bien des jeux vidéos ou jeux de rôles, font appel aux mythes des grandes batailles ou aux légendes. L’irrationnel a triomphé.
Voilà le vrai pouvoir de l’image. L’image a un contenu informationnel plus fort et plus riche que le texte. L’image est le processus de communication le plus fort et le plus chargé d’émotion. L’image peut être interprétée par tout le monde, pour toutes les couches de la population, alors que le texte passe par des filtres, tels le livre, le journal, les revues…et par l’intelligence.
Mais quel lien entre ces lignes et la Franc-Maçonnerie ?
Le lien majeur c’est la lutte entre la recherche du sens de la vie, et l’abandon de cette quête à des marchands de bonheur, à des bonimenteurs, aux dominants. Dans la vie pour paraphraser KANT, ‘’il y a la philosophie, et il y l’art de philosopher…’’ En Maçonnerie il y a la maçonnerie, et il y a l’art d’être en Maçon’’
La philosophie et la Maçonnerie ne s’adressent pas aux contemplatifs. Il est question avec elles de la condition humaine, tout ce qui est humain ne peut nous être étranger. La Maçonnerie invite régulièrement la philosophie lors de ses travaux, en qualité d’expert ou de grand témoin lors de notre quête. C’est là que la mythologie et ses mythes fondateurs nous aident à comprendre et à progresser.
Comprendre d’abord notre environnement, comprendre que la FRanc-Maçonnerie vit et avance dans son époque, dans une société faite d’êtres humains avec leurs qualités et leurs défauts, avec les puissants et les exclus, une société qui évolue, qui régresse, qui déconstruit et qui construit…
Mais certains Frères et certaines Soeurs ne voulant pas voir cette réalité dérangeante sous leurs yeux, sur les trottoirs de la ville, prétextant le confort du mythe fondateur du temple de SALOMON, s’y enferment, et nous parlent des bords du Nil, ou dissertent pour connaître la pièce du palais où se trouvait le pavé mosaïque ?
Pour savoir si les colonnes étaient à l’intérieur ou à l’extérieur du Temple ? Si elles répondaient lorsqu’on les appelaient J ou B ? Ces Maçons là pratiquent une Maçonneire respectable, mais ils s’écartent de leur engagement ‘’ils répandront à…’’. Ceux là, et celles là, sont aussi mes Frères et mes Soeurs mais la mite avec eux, a commencé son travail de destruction.
En notre noble institution, à la différence de la société du dehors, nous avons notre constitution, nos rituels, nos codes. Tout cela nous rassemble, rassure certain(e)s, mais nous permet toujours de travailler dans la sérénité, condition majeure pour l’épanouissement. Nous avons là nos repères.
Le lien avec les lignes précédentes est qu’ici aussi, les dominants voudraient entrer, peut être sont- ils déjà là ? Mais ils voudraient surtout imposer leur point de vue, leurs pratiques de monde profane, et en particulier la manipulation. Ils voudraient dé symboliser, pour reprendre l’expression de Dany Robert DUFOUR, pour re-symboliser c’est à dire installer leurs propres mythes… grâce à la mite.
Des faisceaux d’indices, comme diraient les juristes fourmillent déjà. Ainsi il y va des valeurs dominantes comme la béate tolérance, très tendance en L.°.. Au nom de laquelle on voudrait comme l’écrivait notre F.°. D.BEREZNIAK, faire vivre ensemble Galilée et son inquisiteur.
La mission d’un Franc-Maçon n’est pas de tolérer mais de dire Non à toute domination d’un être humain par un autre. Et comme si la tolérance ne suffisait pas aux idéologues de la manipulation, ils ont introduit dans nos Ateliers la compassion, j’ai même entendu dans un Tenue du Grand Orient parler de miséricorde. Anderson reviens, ils sont devenus fous !
Autre indice venu de l’extérieur, le formatage des prises de parole, toutes les argumentations seraient équivalentes, quelles soient étayées par des références, ou qu’elles reprennent des brèves de comptoir, tout serait égal, au nom du consensus mou. Eh bien non, s’il est du devoir de tout Maçon de prendre la parole, il n’a jamais été du devoir de tout Maçon de dire n ‘importe quoi.
L’esprit critique, est une ardente obligation en nos Loges. Sinon la parabole de l’ordinateur citée par J.P BRIGELLI dans son livre, la fabrique du crétin, pourrait bien s’appliquer à nos mythes qui deviendraient des mites, comme j’essaie de le montrer dans cette planche. Voilà ce qu’il dit ‘’ Un ordinateur est un outil incomparable entre les mains de celui qui sait. Sous les doigts du crétin, c’est un revolver manié par un aveugle au milieu de la foule.’’
Un peuple sans culture absorbera tous les prêts à penser que le marché voudra leur faire avaler. Répudiez SOCRATE et SPINOZA, il restera toujours les scientologues. Un Frère ou une Soeur abandonné au maquis de nos mythes et symboles, qui expliquent l’inexplicable, pourrait être ébloui par les belles histoires à endormir les petits Maçons et les conduire au pays magique, où tout est diffus, toute hiérarchie des valeurs abandonnée, c’est un pays atone où domine le ‘’nihilisme fatigué’’ Nietzschéen.
La Maçonnerie est tout autre chose, c’est l ‘école de l’éveil, du combat, du travail, de la recherche du sens. La dé-symbolisation en verrouillant ce qui commande l’accès au sens est un outil de domination.
DUFOUR montre dans son ouvrage déjà cité comment le néolibéralisme, contrairement aux systèmes de domination antérieurs qui fonctionnaient avec la répression institutionnelle, pratique la désinstitutionalisation. C’est à dire qu’il est en train d’imposer une façon beaucoup moins contraignante d’assurer sa fortune. Il n’a plus besoin de produire des sujets soumis, en cassant les institutions, il met fin à la domination institutionnelle des individus.
Ceux-ci se croyant libérés deviennent souples, précaires, mouvants, ouverts à toutes les modes du marché. Ils vont ainsi participer à la grande duperie de ‘’la libre circulation’’.
Le nouveau capitalisme a bien compris tout l’intérêt à proclamer l’autonomie de chacun, basée sur l’extension indéfinie de la tolérance dans tous les domaines. La désinstitutionnalisation a besoin de ‘’moins d’Etat’’, mais surtout de moins de tout ce qui pourrait entraver. La dé-symbolisation absolue c’est quand il n’y a plus de quête de sens. L’extension de la tolérance, prônée trop souvent des nos Loges sans réflexion, sans recherche du sens, constitue une très mauvaise solution.
Ne pas vouloir regarder ce qui est en jeu avec la nouvelle logique des libéraux, relève de l’aveuglement. Pour ne pas voir, les refuges existent, il suffit de rejoindre la compassion misérabiliste éthiquement et politiquement correcte. Phénomène très en vogue chez les bobos de la social-démocratie d’obédience libertaire, de plus en plus influents dans la Franc-Maçonnerie en général.
Dans nos Ateliers le commerce équitable devient une référence de développement, alors qu’il ne fait que se cantonner sur un petit marché, un petit nombre d’exploitants, à petits rendements, à petits salaires, occupés à vivre petitement, pendant que le grand marché prospère avec ses bénéfices colossaux. Mais cela s’inscrit dans la compassion maconiquement correcte, dire le contraire serait faire preuve d’intolérance. Et pendant ce temps là dans nos Ateliers, on lit Da Vinci code, on pense Da Vinci code.
La mite a bien travaillé, elle a aussi investi le mythe de l’égalité, qui est devenu celui de l’équité. Combien de Franc-Maçons, véhiculent ce terme. Equité c’est beau, cela fait moderne, cela sonne bien, mais ce n’est pas de l’égalité. Idem pour la Laïcité vénérée en Loge, oubliée dès les parvis. Idem de l’égalité homme/femme, comment des Frères, peuvent-ils continuer à ignorer cette évidence ?
Ne copions pas les travers du monde profane, le politiquement correct qui conduit les imbéciles à applaudir la grève de la faim d’un député. Alors que ce dernier s’est abandonné à des pratiques indignes d’un représentant du peuple créant un tort immense à la démocratie. Parfois dans nos Temples de la raison certains confondent humanitaire et humanité. Cet humanitaire ‘’ moyen de la lâcheté et du renoncement’’ comme dit Rony Brauman, longtemps Président de MSF.
Attention, la mite a déjà préparé une nouvelle triple acclamation pour la fin des travaux : laisser-aller, équité, charité… Que sont devenus nos symboles, de l’équerre et du compas, de la truelle et de la corde à nœuds…et de tous les autres ?
Une fois encore cette planche n’a pas pour volonté de dire le bien ou le mal, elle est écrite dans l’intérêt de la Maçonnerie en général ; elle a pour objectif majeur de dire le questionnement d’un Frère qui pense que la finalité de nos travaux envisage toujours une humanité meilleure et plus éclairée ?
Avec ces lignes, j’ai fait miens les mots de René Char ‘’ Ce qui vient au monde pour ne rien troubler, ne mérite ni égards, ni patience…’’. Mais actuellement la dérive consumériste atteint nos Ateliers, d’ailleurs certain(e)s fréquentent les Loges comme ils vont au spectacle, sélectionnant le programme à voir, et à s’entendre comme chantait le grand B.VIAN. Et nous revoilà avec la force de l’image, géniale et dramatique alliée de la mite. Rappelons cette formule J L GODARD ‘’ ceci n’est pas une image juste, c’est juste une image ’’.
Revenons aux fondamentaux, l’initiation à la pratique symbolique, la nôtre comme celle de l’homme en général, vient du texte. L’image est seconde. Tel devrait être le rôle des contes, légendes, ou mythes. Le primat du texte n’est pas contestable.
‘’L’homme est comme le lapin, il s’attrape par les oreilles’’ disait MIRABEAU. Ainsi, l’audition d’un conteur ou la lecture d’un roman, déclenchent une activité psychique au cours de laquelle l’auditeur ou le lecteur crée des images mentales dont il devient en quelque sorte le premier spectateur. C’est à partir du texte que le conteur fait voyager l’auditeur, le lecteur de roman imagine quelque chose du monde créé par l’auteur.
La fonction symbolique fonctionne ainsi, elle s’acquière aussi par le truchement du discours. Le don de parole se transmet de génération en génération, cette éducation est d’abord parentale, mais d’autres écoles existent, la Franc-Maçonnerie en est une. L’aptitude à parler, ou plutôt à dire notre idée, ce bien humain précieux, les libéraux, les libertaires, et les médias sont en train de violemment le mettre en péril. En particulier par le dressage à la consommation dont nous avons déjà parlé, relayé par leur allié, la télévision.
Une étude épidémiologique citée par DUFOUR montre que les élèves les mieux notés regardent la télé moins de 50 minutes par jour. Pour les autres les signes de domination sont proportionnels au temps passé devant le poste : pertes de mémoire, difficultés de concentration, agitation, nervosité, agressivité, insomnies…
IV - Lorsque le mythe est devenu la mite.
A l’issue de cette planche je me pose toujours des questions, n’ai je pas imaginé, mythifié, la Franc-Maçonnerie ?
N’ai je pas rêvé du mythique Frère né avec les Lumières luttant pour l’indépendance des peuples, abolissant l’esclavage, écrivant la musique universelle ?
Aujourd’hui la Franc-Maçonnerie n’est elle pas le reflet de son temps, inquiète, déboussolée, perdue dans un environnement beaucoup moins perméable que jadis, face à un ennemi plus redoutable car moins visible. ?
Pourquoi le Franc-Maçon consommateur a pris le pas sur le Franc-Maçon citoyen cher au cœur de nos Frères hier ?
Pourquoi la Maçonnerie d’aujourd’hui regarde passivement le jeu du tout s’achète au prix fort, même si on nous dit que tout se vaut ? Serait ce parce que la mite paie en dollars ?
Pourquoi Dan Brown est plus connu dans les Loges que le nom des Frères et Soeurs qui illustrent les mots de semestre ?
Pourquoi, trop souvent les échanges dans nos Ateliers, entre les vieux contremaîtres et les jeunes compagnons se résument à des questions de rappel au règlement ?
A vous mes Soeurs et Frères qui venez vers nous, avec les outils que les Maçons vous transmettront, vous irez répandre les connaissances acquises, soyez attentifs pour être des éducateurs demain. L’éducation et l’accompagnement Maçon restent d’ardentes obligations, aujourd’hui plus qu’hier.
Mes Frères et Soeurs, l’heure du repos n’est pas encore arrivée. Dehors le virtuel n’a pas d’horaire, il danse avec la mite un long et mortel tango. La mite a tout le temps pour gagner.
Mythologie, contes, légendes et symbolique vont continuer à élever les têtes bien faites et manipuler les cerveaux malades. L’actualité nous le montre chaque jour. Un exemple ? Où est la provocation ? La caricature d’un prophète? Ou la caricature de la jeunesse consommatrice inconsciente, déguisée par les marques qui l’exploite : casquette au crocodile sur un crâne rasé, gilet digne de la combinaison publicitaire d’un coureur automobile, pantalon trop court ou trop long, selon la météo des consommateurs, chaussures issues des pays où les enfants sont habillés en travailleurs pauvres. ?
Comme il avait raison le vieux chinois ‘’ Quand un seul chien se met à aboyer à une ombre, dix mille chiens en font une réalité’’. Au temps du CHE triomphant le slogan disait ‘’libérer les hommes, faire naître l’homme nouveau’’. Aujourd’hui l’étoile rouge du mythique Commandante , nous dit ‘’libérez l’homme, c’est libéraliser l’économie’’.
A constater cette perfection du système dominant, peut être devrions nous relire la vison désabusée du monde de CIORAN. ‘’Le peuple bâtissait des cathédrales ; émancipé, il ne construit que des malheurs.
Cette désacralisation de l’humain, que j’ai essayé de monter dans cette planche, cette négation du sexe, de l’âge, du passé, des rêves et des projets, en un mot ce mépris de la dignité humaine passe par les mots du vocabulaire usuel.
Il existe toute une batterie de mots ‘’neutres’’ pour masquer la réalité. Ainsi ‘’dégraisser’’ lorsqu’il s’agit de licenciements collectifs. Un mot de teinturier pour faire oublier que ce dégraissage plonge des familles entières dans l’angoisse. La guerre avance aussi avec ses mots dont la banalité est là pour masquer la cruauté. Le ‘’nettoyage’’, le ‘’ratissage’’, pour éviter de parler de destruction des villages, et le ‘’regroupement’’ dans des camps, sont des termes qui n’émeuvent plus personne. Il y a aussi ‘’finir le travail’’, c’est à dire écrabouiller encore plus de maisons et jeter dans l’exode encore plus d’êtres humains, sans que l’artilleur ou l’aviateur ne sachent qui ils tuent. Dernièrement Tsahal passait ‘’la vitesse supérieure’’, en clair on passait de 30 à 70 civils libanais tués par jour. Il y a eu pire encore, à Tréblinka, Auswitch, ou Sobibor, les bourreaux ne parlaient plus d’hommes, ni de femmes, ni d’enfants, mais de ‘’pièce’’, Le mot ‘’stÜck’’ servait à comptabiliser, il fallait mille pièces pour un convoi.
Malgré tout, ma qualité de Franc-Maçon m’invite à rester avec CONDORCET et la perfectibilité de l’humain. Restons donc sur un avenir encore un peu optimiste. Rappelons nous que le mot « mythe » vient d’un mot grec qui signifie parole, et belle histoire. Ces extraordinaires ‘’belles histoires’’ sont très nombreuses, elles sont interprétées à la manière de chacun. Voilà un point commun avec nos symboles, cette capacité à dépasser la seule imagerie première. Il en est un second, c’est leur caractère universel. Et n’oublions jamais le rôle fondamental joué par la mythologie dans les domaines des arts, de la littérature, de la peinture, de la sculpture….
V - CONCLUSION
Mes Frères et mes Soeurs, à l’heure de la finitude, je voudrais proposer deux clôtures, la première sera mitée, je prendrais le tapis volant de 22 heures, destination la forêt de Brocelliande, avec maître IODA, les 3 petits cochons, la belle au bois dormant, pif le chien, et des milliers d’autres miteux… Mais il y aurait aussi un architecte prétentieux labellisé univers, et un certain SYSIPHE avec son rocher…Là tout serait mélangé, tout se vaudrait, comme dans la vraie vie, comme diraient les guignols de l’info. Ce pourrait être le début d’un beau roman, d’une belle histoire, ou plus simplement d’un mythe.
Dans la seconde version je vous dis que tout ce que je viens de partager avec vous n’est que l’histoire du monde des humains, un monde changeant, insaisissable, soumis aux modes et à ce qui viendra bientôt les démoder, battant selon son rythme, dont la frénésie abolit le tempo fixé la veille.
Il est comme une sarabande folle qui interdit la pause ou le repère, où les humains peinent à se définir, à établir un socle durable de ce qui serait leur identité, à être eux-mêmes sans se perdre. Pourtant, nous faisons dans nos Ateliers le pari que la diversité oblige au libre arbitre. Surtout nous faisons le pari ici que c’est précisément parce qu’il est tourbillonnant et instable que le monde des humains, nous invite à l’exigence, à l’excellence, à exercer l’esprit critique, à douter, à chercher, à comprendre… Même si dans les temps actuels il est difficile de dire, de vivre avec du sens, de ne pas suivre la meute, d’avoir mauvaise réputation comme chantait BRASSENS. Mais notre engagement en Franc-Maçonnerie, est là aussi, avoir des ‘’coups de gueule’’ pour la cité, n’est il pas un signe de bonne santé ?
Mes Soeurs mes Frères ne soyons pas mystiques, ne soyons pas mités, ne soyons pas minables, soyons dignes des Temples de la raison. Soyons mirobolants, combattons les missels et autres misandres chargés d’arthropodes et de teignes, avec nos missiles et nos missives chargés d’argumentaires justes et parfaits. Soyons des militants de la Raison Directe ; soyons les derniers guérilleros…A l’aube démocrate, combattons les paroles d’évangiles qui font plier les imbéciles, ne tolérons pas béatement, même si les interstices d’intervention sont de plus en plus dures à trouver, n’oublions jamais de répandre à l ‘extérieur les connaissances acquises…
J’ai dit